Dans la catégorie « entreprise à la mission la plus paradoxale », Pascal le boucher remporterait certainement le premier prix. C’est qu’un boucher qui encourage les gens à manger moins de viande, mais à mieux la choisir, ça ne semble pas très rentable. Pourtant, pour Pascal Hudon, c’est une voie tout à fait naturelle qui s’est imposée à lui, quand il a décidé de se tourner vers ce métier.
Boucher de père en fils
Dans les faits, même s’il ne s’en rendait pas compte à l’époque, tout pointait pour que Pascal embrasse le métier familial. Dès l’adolescence, il commence à travailler pour la boucherie de son père, comme job étudiant. Ce dernier lui apprend ainsi les rudiments du métier. À l’époque, Pascal ne sait pas trop ce qu’il veut faire plus tard. Il commence ainsi des études en psychologie, puis en arts dramatiques, en kinésiologie, puis décide finalement de jouer de la musique, toujours en travaillant en parallèle à la boucherie familiale.
Sans but précis, il finit par s’inscrire en environnement à l’université. Il tombe sur un cours à option nommé Gastronomie et société, et c’est là que le déclic se fait dans sa tête. « C’est là que j’ai réalisé que la boucherie pouvait toucher à des notions d’environnement, d’agriculture locale, de tourisme, d’économie locale et d’identité culturelle », me dit-il tout en travaillant une carcasse de veau.
« Je me suis mis à questionner mon père par rapport à la provenance de la viande et il n’était pas capable de me répondre, à part de me dire que ça venait de Cargill (NDLR : Grosse entreprise agroalimentaire américaine). C’est là que ça a commencé. Je me suis rendu compte que le métier pouvait m’intéresser, mais qu’il fallait qu’on prenne un virage », poursuit-il. Ce virage a ainsi démarré à la boucherie paternelle il y a une quinzaine d’année déjà, mais Pascal sentait le besoin de voler de ses propres ailes.
Un élevage plus respectueux
Il y a plus de deux ans, Pascal a commencé à parcourir le Québec à la recherche de producteurs qui élèvent leurs animaux selon les mêmes valeurs que lui. Sa blonde, la nutritionniste et auteure du livre Prenez le champ !, Julie Aubé, a également parcouru son lot de kilomètres afin de dénicher les perles rares.
En me pointant la queue d’une carcasse de porc dans son réfrigérateur, Pascal affirme qu’on peut y voir les signes qu’il s’agit d’un animal provenant d’un petit élevage. « Dans l’élevage industriel, on doit couper la queue des porcs, car ils ont peu d’espace et les mordent systématiquement », m’explique-t-il.
Pour répondre à la demande, le boucher n’a pas le choix de se tourner vers plusieurs petits producteurs. Dans le cas du bœuf, les animaux sont nourris à l’herbe et vont au pâturage. Aucun producteur ne peut le fournir sur une base régulière, par exemple une fois par semaine, puisque chacun d’eux possède généralement quelques bêtes seulement.
Cette diversité de producteurs amène plus de gestion, mais permet une diversité intéressante des variétés de viandes. « Je n’ai pas juste une race de bœuf. Ça varie. Une semaine, j’ai un Charolais, une semaine j’ai un Angus, l’autre j’ai un Highland ou un Galloway », m’énumère le boucher. Cette biodiversité alimentaire permet ainsi de sensibiliser les gens aux saveurs des différentes races.
Valoriser l’animal en entier
Dans un coin du réfrigérateur, un énorme sac d’os attend patiemment d’être transformé en bouillon. Au-delà de la valorisation des races, un des principaux objectifs de Pascal est de mettre en valeur l’animal au complet. « Mettre à mort un animal, ça implique plein de choses, dont beaucoup d’énergie pour l’élever. On a tous une responsabilité par rapport à notre consommation de viande, parce que la façon dont on la mange présentement, ce n’est pas durable du tout. Mais un changement de société ne va pas se faire en claquant des doigts, ça se fait tranquillement », me dit-il.
Le plus grand défi du boucher est de sensibiliser les clients aux limites du vivant. « Ça serait beaucoup plus facile pour moi de juste commander d’un distributeur et de lui dire de m’envoyer une caisse de bavettes. Tandis que là, j’ai juste deux bavettes dans un bœuf. Donc quand c’est fini, c’est fini. Il faut expliquer ça au client, ce qui n’est pas toujours évident », affirme Pascal.
Plus que de la viande
Sur un des murs de la boucherie se trouvent quelques produits choisis. Même si le but du boucher n’est pas de devenir une épicerie, il désire présenter ses coups de cœur. « Je veux que les gens, quand ils achètent des produits ici, sachent qu’ils ont été sélectionnés parce qu’ils sont produits localement et qu’ils sont durables. Les gens n’ont pas toujours le temps de faire les recherches eux-mêmes, donc pour eux, c’est comme une assurance », m’explique-t-il.
Pour ceux qui désirent rendre visite à Pascal, la boucherie se situe dans le quartier Villeray, au 8113, rue Saint-Denis
L’article ne mentionne pas si cette viande écoresponsable pourrait avoir des effets positifs sur la santé (maladies cardiovasculaires et inflammatoires entre autres) des humains qui la mangent. Y a t-il une raison?
Oui, la raison est qu’on a très peu de données sur l’impact réel que peut avoir la viande qui provient d’animaux d’élevage industriel vs. élevage « artisanal ». C’est possible que cela ait un impact, mais il est trop tôt, à mon avis, pour pouvoir l’affirmer sans l’ombre d’un doute.
Merci pour la réponse!
Superbe article! Effectivement, vaut mieux moins manger de viande et bien choisir ce que l’on consomme. Question de logique…..on donne de la « scrap » à notre corps, on en subira les conséquences….on s’alimente mieux, en général, le corps suivra….. J’essaie d’éviter tout ce qui provient de ces méga-élevages (Cargill et cie…). Notre décision a été prise en allant au Costco et qu’on a réaliser que des filets de porc de 45cm de longueur et 20 cm de circonférence, c’était pas vraiment normal, et que dire des méga poitrines de poulet de 800gr chaque…….Quelque chose n’est pas normal la dedans…..Bref…..
La consommation responsable de viande est une priorité chez nous. C’est pour ces raisons que nous ne servons que des viandes de qualité chez Soupesoup. Merci à nos fournisseurs québécois pour la qualité de leurs produits, et pour leur implication dans l’économie locale.
Merci pour ce billet. Je découvre ton blog, grâce à ton livre! Vraiment cool que ce boucher soit assez près de chez nous… je vais y faire un tour cette semaine. Au passage, Rob, il y a de la viande biologique chez Costco au Marché Central (bœuf haché, poulet, saucisses).
Je mange peu de viande. Si j’ai envie d’en manger, j’irai faire un tour chez ce boucher. Merci pour la suggestion!
Bonjour,
J’aimerais savoir s’il y a une boucherie semblable dans la région de Québec? J’aime beaucoup l’approche de ce boucher, ça me rejoint beaucoup! Merci pour l’article!
Bonjour,
Malheureusement, je ne connais pas les commerces de Québec, donc je ne peux pas vous aider. 🙂
Bonne journée,