
Je déteste le terme superaliment et je ne m’en suis jamais caché. S’il y a bien un buzzword un peu dépassé que j’aimerais voir mourir prochainement, ce serait celui-ci.
Qu’est-ce qu’un superaliment?
Premièrement, qu’est-ce qui justifie que des aliments soient placés sur un piédestal? La plupart du temps, ces aliments sont nommés ainsi parce qu’ils contiennent une quantité assez élevée de certains nutriments, comme des vitamines, des minéraux ou des antioxydants. Pourtant, décider qu’un aliment est meilleur que les autres sur la base d’un, deux ou trois nutriments est une vision tellement simpliste de la nutrition!
La science de la nutrition est encore jeune. Cependant, à force de décortiquer les aliments en nutriments et à promouvoir leur consommation sur la base des molécules qu’ils contiennent, nous en venons à oublier le portrait global. Penser qu’un aliment n’est rien de plus que la somme des nutriments qu’il contient ne pourrait être plus faux. L’impact de ces centaines de molécules sur notre santé est peu connu et les interactions entre elles le sont encore moins. Chaque jour, on découvre de nouvelles molécules dans les aliments. Ce serait dommage de se priver de ces bénéfices potentiels parce qu’on a trop misé sur les nutriments qu’on connaissait déjà.
Un mal pour un bien?
Bon, on s’entend pour dire qu’on ne connait pas tout en nutrition, mais pourquoi ne pourrions-nous pas utiliser ce terme pour vendre plus d’aliments nutritifs? C’est l’argument de plusieurs personnes œuvrant dans le domaine de l’alimentation et de la santé. Après tout, les aliments de base bénéficient de si peu de budgets alloués à leur promotion comparativement aux aliments transformés! Si on réussit à créer un buzz assez puissant autour d’un légume feuillu comme le kale, et que sa consommation augmente, quel mal y a-t-il à l’appeler superaliment? J’avoue qu’en finissant mon baccalauréat en nutrition, je pensais de la même façon.
Le problème, c’est que dès qu’on installe un aliment au premier rang, on fait soudainement oublier qu’il existe des centaines d’autres aliments aussi nutritifs qui méritent également cette place. Et comme en parlait Marie-Claude Lortie dans La Presse, dès que nous nous découvrons un appétit féroce pour un certain aliment, l’industrie doit rapidement réagir afin de produire cet aliment en grande quantité. Cela se fait rarement sans conséquences négatives pour l’environnement ou pour les humains qui produisent ces aliments.
Et encore, si seulement manger de ces aliments amenait réellement les bénéfices miraculeux promis! Mangez du kale trois fois par jour et vous ne serez certainement pas plus en santé que si vous mangiez des frites trois fois par jour. L’être humain est omnivore et a besoin de manger une variété d’aliments pour être en santé.
Quand l’industrie embarque
Puisque ce terme n’est absolument pas réglementé, cela permet à n’importe quelle industrie d’ériger son produit au statut de superaliment. Prenez l’exemple de la Fédération des producteurs de sirop d’érable. En 2011, après avoir payé pour des études qui ont analysé le contenu en antioxydants de notre sucre national, elle a décidé d’y accoler ce terme vendeur. Je n’ai rien contre le sirop d’érable ni contre la Fédération, au contraire. Il s’agit d’un produit local aux saveurs incomparables et d’une industrie qui me rend fier d’être Québécois. Mais ce n’est pas parce que le sirop d’érable contient des molécules au pouvoir antioxydant (comme à peu près tous les produits végétaux) qu’il est meilleur pour la santé! Il reste un sucre ajouté.
D’un autre côté, certaines compagnies sautent sur ces tendances pour offrir des aliments douteux d’un point de vue nutritionnel en leur accolant ces superaliments à l’aura santé. C’est une stratégie nommée le health washing. Prenez l’exemple de McDonald’s qui projette d’intégrer le kale à son menu. N’allez pas croire qu’un repas dans un restaurant de fast food aura un impact positif sur votre santé simplement parce que vous l’accompagnez de quelques feuilles de kale riches en vitamine K…
Alors, qu’est-ce qu’un superaliment?
Selon moi, mettre certains aliments de l’avant, au profit d’autres, est contre-productif et n’aide pas à se diriger vers une alimentation qui est bonne pour nous et pour la planète. Si on m’obligeait, avec un fusil à la tempe, à nommer des superaliments, je n’aurais d’autre choix que de dire que tous les aliments de base, non transformés, méritent de se faire appeler ainsi. En manger le plus souvent est une des meilleures habitudes que nous pouvons adopter. Cependant, je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions simplement pas les appeler « aliments ». Mais bon, c’est peut-être moins vendeur…
Quels propos judicieux! Pourquoi tant vouloir »déifier » certains aliments, si ce n’est que pour des raisons purement mercantiles? Le kale a réussi à se hisser sur le podium, aux côtés de ses acolytes »chia » et »quinoa »! Popeye avait-il lancé la tendance avec ses boîtes d’épinards aux super pouvoirs? Quoi qu’il en soit, si un aliment a poussé de façon naturelle dans un environnement sain, il mérite que l’on y accorde tout autant d’attention. Matière à réflexion!
Tu dis : Le problème, c’est que dès qu’on installe un aliment au premier rang, on fait soudainement oublier qu’il existe des centaines d’autres aliments aussi nutritifs.
Bien entendu, tous les fruits et légumes ont des effets bénéfiques pour la santé. Par contre, je crois pas qu’on peut affirmer qu’ils sont tous égaux et aussi nutritifs. La probabilité mathématique que tous les fruits et légumes soient aussi nutritifs est pratiquement nul.
Il reste peut-être beaucoup de choses à découvrir en nutrition, mais en 2016 on est tout de même pas à l’âge préhistorique de la nutrition ! On est qu’en même capable de dire que tel fruit devrait être plus souvent privilégier que tel autre fruit.
Si le rôle du nutritionniste est seulement de dire aux gens de manger de tout, disons que ça reste simpliste pas mal, non ?