Voilà, c’est fait. Le saumon génétiquement modifié (GM) est désormais approuvé pour la consommation humaine, au Canada. C’est le premier animal GM qui peut se retrouver dans l’assiette des Canadiens. C’est un moment charnière pour notre système alimentaire puisque cette décision entraînera probablement un engouement au sein de l’industrie, dans le but de développer de nouveaux animaux GM. Mais moi, il y a encore des petites choses qui me gossent avec ce saumon.

Zéro nuance de gris

Dans les prochains jours, il faudra se préparer à entendre, de part et d’autre, des opinions tranchées à propos de cette décision de Santé Canada. D’un côté, on dira que c’est dangereux pour la santé humaine, de l’autre, que c’est parfaitement sécuritaire. D’un côté, on dira qu’il existe des risques environnementaux, de l’autre, que tous les risques ont été pris en compte et que rien n’arrivera.

À la base, les OGM ne sont ni dangereux ni sécuritaires. Comme il existe du maïs, du soya, du canola, de la luzerne, du saumon et bien d’autres cultures GM qui peuvent se retrouver dans notre alimentation, il est impossible de généraliser et de déclarer que TOUS les OGM sont dangereux ou que TOUS les OGM sont sécuritaires. Il faut y aller au cas par cas, ce que Santé Canada fait.

La décision de Santé Canada quant à l’innocuité d’un OGM repose sur l’analyse d’études effectuées par la compagnie qui désire commercialiser son produit. Donc, dans le cas du saumon génétiquement modifié, c’est la compagnie Aquabounty qui a dû fournir des études financées par elle, qui prouvent que son produit est sécuritaire. Et comme ces données sont confidentielles, ne les cherchez pas. Elles ne sont généralement pas disponibles au public. Comme consommateur, on doit donc se fier à la rigueur de Santé Canada et de la compagnie.

Les OGM, meilleurs pour qui ?

À la base, la technologie ne me fait pas peur. Je crois même qu’il y aurait un potentiel de faire du bien avec les OGM. Malheureusement, après 20 ans de commercialisation, force est de constater qu’ils ne servent pas à grand-chose de plus qu’à enrichir les compagnies qui les produisent. Au Canada, grosso modo, on cultive trois plantes GM majoritairement : le soya, le canola et le maïs. Quelle est la modification génétique que possèdent la majorité d’entre elles ? La résistance à un herbicide (le Roundup) qui tue toutes les autres plantes sur son passage. La compagnie peut donc vendre son herbicide et ses semences de plantes GM en beau package deal aux agriculteurs.

À mes yeux, la création du saumon génétiquement modifié semble poursuivre le même objectif mercantile. La compagnie a réussi à obtenir un saumon qui grandit deux fois plus rapidement, donc beaucoup plus rentable. Évidemment, ce n’est pas l’argument financier que la compagnie utilise pour convaincre les consommateurs d’adopter le saumon GM. Sur son site, la compagnie Aquabounty déclare que son saumon est meilleur pour « l’environnement et pour les consommateurs. »

Meilleur pour les consommateurs ? J’attends encore des arguments valables, surtout lorsque le résumé de l’analyse de Santé Canada indique « qu’il n’existe aucune différence entre sa valeur nutritionnelle et celle des autres saumons issus de l’élevage traditionnel habituellement consommés au Canada. »

Meilleur pour l’environnement ? Contrairement au saumon d’élevage traditionnel, le saumon GM sera élevé en bassins et non directement dans l’océan, ce qui minimise l’impact sur les écosystèmes. Cela étant dit, il ne faut pas oublier que le saumon est un poisson carnivore. Il se nourrit donc d’autres poissons. Selon la compagnie Aquabounty, le saumon GM nécessite 25 % moins de nourriture pour arriver à la même taille qu’un saumon d’élevage traditionnel. Certains chercheurs avancent que pour chaque kilo de saumon d’élevage, il faudrait pêcher jusqu’à cinq kilos de poissons sauvages. Est-ce qu’une réduction de 25 % est suffisante pour qualifier le saumon GM de durable ? À mon avis, non. Pêcher plus pour produire moins n’est pas durable. On exerce une pression supplémentaire sur les stocks sauvages, simplement parce qu’on préfère manger du saumon, plutôt que d’autres espèces.

Soya, maïs, canola… Quand l’être humain base son alimentation sur une poignée d’espèces, inévitablement, l’industrie doit s’adapter pour répondre à la demande. Le saumon GM n’est simplement qu’une nouvelle manifestation de ce pattern qui se répète et qui est voué à se répéter tant que notre système agroalimentaire ne subira pas de modifications profondes.


Partagez sur les réseaux sociaux