
Ce n’est plus un secret : Santé Canada travaille à la prochaine mouture du Guide alimentaire canadien, ou du moins aux prochaines recommandations alimentaires. Si tout se passe comme prévu, en 2018, on devrait voir apparaître ces nouvelles lignes directrices. Pour les besoins de la cause, continuons de l’appeler le Guide alimentaire canadien, mais mon petit doigt me dit que la refonte amènera un changement de nom et de format. Commencez à faire vos adieux à l’arc-en-ciel…
Peu importe sous quel nom et quelle forme seront développés les prochains outils gouvernementaux pour aiguiller l’alimentation des Canadiens, il faut d’abord que l’organisme se positionne sur les principes qui guideront le reste du processus. Depuis 2016, Santé Canada a entrepris certaines étapes. Il a évalué la version 2007 du Guide alimentaire canadien avec la science actuelle et a sondé le grand public, les professionnels de la santé, les organisations intéressées par la santé et l’industrie agroalimentaire sur leur vision du prochain guide.
Samedi le 10 juin 2017, l’organisme a présenté la version préliminaire des grands principes sur lesquels il compte se baser pour développer les ressources (aka le prochain « guide ») qu’il mettra à la disposition des Canadiens pour les aider à bien s’alimenter.
Voici donc les trois principes directeurs proposés par Santé Canada avec, bien sûr, mon petit grain de sel. Je tiens à préciser qu’il s’agit de mes commentaires à la lecture du document. C’est encore tout nouveau et je suis persuadé que mon avis évoluera lorsque nous aurons accès à plus de précisions.
Principe directeur numéro 1 : Une variété d’aliments et de boissons nutritifs est le fondement d’une saine alimentation
Hmmm… La seule façon d’être plus vague que ça, c’est probablement de dire quelque chose comme : « Bien manger, c’est bon pour la santé ! » Ça reste que c’est vrai que de manger une grande variété d’aliments est probablement un des meilleurs gages de santé.
Santé Canada élabore toutefois ce principe avec trois recommandations :
1. Consommation régulière de légumes, de fruits, de grains entiers et d’aliments riches en protéines, surtout en protéines d’origine végétale.
Je trouve très intéressant que Santé Canada mette l’accent sur les aliments d’origine végétale. C’est cohérent avec la science et les besoins des Canadiens. Cela étant dit, il poursuit cette ligne de pensée un peu plus loin par : « Il faut augmenter la proportion d’aliments d’origine végétale dans l’alimentation sans nécessairement exclure tous les aliments d’origine animale. » Est-ce qu’on a vraiment besoin de préciser qu’il ne faut pas nécessairement éliminer tous les aliments d’origine animale de l’alimentation ? Est-ce que c’est une si grande crainte pour la santé ou est-ce que l’organisme s’est senti obligé d’ajouter cette phrase pour ne pas se faire rentrer dedans par l’industrie de la viande ?
2. Inclusion d’aliments qui contiennent surtout des lipides insaturés plutôt que des lipides saturés.
Oui, d’un point de vue nutritionnel, remplacer les lipides saturés par des insaturés semble être bénéfique. Par contre, c’est un facteur parmi d’autres. En le formulant de façon aussi « nutritionnelle », j’ai peur que des aliments de base soient désavantagés, au détriment d’aliments transformés. Je pense ici au beurre, dont on décourage la consommation. Pourtant, si l’histoire de la nutrition nous enseigne quelque chose, c’est que remplacer le beurre par des aliments transformés, même s’ils sont riches en gras insaturés, n’est probablement pas une des meilleures idées au monde. (Hello margarine!)
3. Consommation régulière d’eau.
Yes! Pas besoin d’aller plus loin, il faut boire de l’eau souvent. Il faudra que ça s’accompagne d’une recommandation de privilégier l’eau comme boisson, mais je n’ai pas de crainte que ça se fera.
Principe directeur numéro 2 : Les aliments et boissons transformés ou préparés riches en sodium, sucres ou lipides saturés nuisent à une saine alimentation
1. Consommation limitée d’aliments transformés ou préparés riches en sodium, sucres ou lipides saturés.
Je suis super content que Santé Canada s’attaque enfin directement à la transformation des aliments et qu’on mentionne que ces produits alimentaires nuisent à la saine alimentation. Par contre, pourquoi avoir limité la transformation alimentaire à l’ajout de sucre, de sel et de gras ? Oui, c’est une problématique importante, mais où se trouve la mention explicite des aliments ultra-transformés ? Je parle ici des aliments contenant non seulement du sucre, du sel ou du gras ajoutés par l’industrie, mais aussi des colorants, des édulcorants, des émulsifiants, des saveurs, etc. En plus, on a déjà la preuve que plus les aliments ultra-transformés sont importants dans l’assiette, plus la qualité de l’alimentation dégringole. Bref, je pense que Santé Canada devrait aller encore plus loin et ne pas se limiter à l’ajout de sucre, de sel et de gras.
2. Abstention de boissons transformées ou préparées riches en sucres.
Yas mama ! Attaquons-nous aux boissons sucrées. C’est une réelle problématique puisqu’il s’agit d’une des principales sources de sucres libres de l’alimentation des Canadiens. On sait que la surconsommation de sucres libres est associée à la carie dentaire, à l’obésité, au diabète de type 2 et aux maladies cardiovasculaires. Point encore plus important, Santé Canada classe dans cette catégorie les jus de fruits 100 % purs.
Principe directeur numéro 3 : Des connaissances et compétences sont nécessaires pour naviguer dans un environnement alimentaire complexe et favoriser une saine alimentation
Intéressant. Ici, c’est une affirmation qu’on doit éduquer et outiller la population si on veut qu’elle sache comment bien s’alimenter. On touche donc aux comportements alimentaires, en plus du contenu de l’assiette et c’est absolument génial.
1. Choisir des aliments nutritifs au magasin et au restaurant.
Why, oh why ? J’ai l’impression qu’il s’agit d’un gros piège ici. C’est facile pour l’industrie de faire croire que ses aliments sont nutritifs, même quand ils ne le sont pas. À mon avis, ce serait plus efficace pour Santé Canada de s’inspirer du Guide alimentaire brésilien et d’écrire quelque chose comme : « Éviter les chaînes de restauration rapide » et « Choisir des endroits qui servent/vendent des aliments frais et non transformés. » Ça a le mérite d’être plus clair. Bon, encore une fois, il ne s’agit que d’une recommandation qui pourrait être transformée en des conseils plus explicites, mais à mon avis, c’est un piège de dire « choisir des aliments nutritifs » dans un endroit où ils se font rares. Il faut plutôt encourager à éviter ces endroits.
2. Planifier et préparer des repas et collations sains.
Ça se traduit par : cuisiner. Je n’ai rien à dire de plus ! C’est une des recommandations qui devrait se retrouver au tout début de ces prochains outils. Si vous voulez avoir une alimentation nutritive, il faut cuisiner. Du côté de Santé Canada, ça veut dire qu’il faudra outiller les gens à cuisiner et développer des environnements qui favorisent cette action.
3. Prendre des repas en famille ou entre amis aussi souvent que possible.
Oui, oui, oui, oui !! Manger, c’est un moment de socialisation super important. Manger ensemble, ça favorise la saine alimentation.
Bien manger pour l’environnement
Un des derniers points que je veux aborder, c’est l’inclusion de l’environnement dans les préoccupations de Santé Canada. J’avoue que ça me fait plaisir de lire dans ce texte : « En général, les modèles d’alimentation contenant plus d’aliments d’origine végétale et moins d’aliments d’origine animale sont associés à un impact moins négatif sur l’environnement que les modèles actuels riches en sodium, sucres et lipides saturés. »
Je souhaite de tout mon cœur que les prochains outils gouvernementaux prennent en compte cette dimension de l’alimentation qui a un lien sur notre santé. En plus de la consommation de viande, Santé Canada semble aussi vouloir s’attaquer au gaspillage alimentaire. Comme je l’explique dans mon livre Sauver la planète une bouchée à la fois, ces deux axes sont probablement les plus importants à intégrer, ce qui me rend encore plus heureux !
Commentaires généraux
Bon, ici, il ne s’agit que d’une version préliminaire. Santé Canada entre maintenant en période de consultation jusqu’au 25 juillet. Allez donner votre avis !
Même si on n’a pas encore tous les détails, il faut comprendre que les principes directeurs sont très importants parce qu’ils permettront d’axer les futures recommandations et les conseils plus concrets. Je pense que Santé Canada devrait nommer de façon plus explicite les aliments ultra-transformés et décourager leur consommation autant à la maison qu’au restaurant. Il faudra faire attention aux recommandations trop nutritionnelles, comme celle sur les gras saturés/insaturés, qui risque de donner une marge de manœuvre aux fabricants pour continuer d’offrir des produits peu intéressants qui présentent une belle valeur nutritive.
Malgré tout, je sens qu’il y a un vent de changement qui est en train de souffler sur le pays. Il faudra voir comment Santé Canada s’ajustera après les commentaires sur cette nouvelle consultation. Mais en ce moment, nous avons vraiment le pouvoir de nous faire entendre. Profitons-en!
Bérubé S. (2017, 11 juin) Vers un guide alimentaire éclaté. http://plus.lapresse.ca/screens/579a58db-62d3-40bc-abc9-3c234e80e264%7C_0.html
Fondation des maladies du cœur et de l’AVC. (2014) Le sucre, les maladies du cœur et l’AVC.
Gouvernement du Canada. Principes directeurs. http://www.consultationguidealimentaire.ca/principes-directeurs (Page consultée le 11 juin 2017)
Moubarac J.-C. et Batal M. (2016) Consommation d’aliments ultra-transformés et la qualité de l’alimentation chez les Québécois.
Je travaillais en nutrition en 1976, à la fin de mon cour, en milieu hospitalier et je préconisais les grains entiers, les huiles instaurées, moins de produits contenant des protéines animales et plus végétales.. Je me suis fait traiter de granola… Alors j’ai travaillé 15 années et j’ai laissé le milieu pour aller vers la prévention et non entretenir les maladies… Et bien le guide alimentaire canadien en ce moment ne fait que maintenir un semblant de santé… Il est temps que ça change… Dommage que ça prenne tant d’années avant un changement… Bravo à ceux et celles qui ont travaillé à ce beau changement.
Bonjour! Merci pour les excellentes nouvelles et votre article!
Commentaire par rapport au beurre vs margarine. La margarine faite à partir d’huiles vierges est très comparable pour la santé au beurre animal industriel. Je recommande totalement les huiles vierges de haute qualité – comme lin, chia, tournesol, canola, olive, noix de coco, etc. – qui sont supérieures au laitage animal non-humain. Les fruits gras et les noix sont les meilleurs! Les beurres de noix – surtout crus (non chauffés) – sont également riches en protéine et forts supérieurs en général à mon avis aux beurres d’origine animale non-humaine.
Merci encore!
Merci, merci, merci, de proposer un guide alimentaire amélioré avec le retrait ou la diminution marquée des produits d’origine animale, car ceux-ci sont reconnus comme très néfastes pour notre santé par plusieurs professionnels de la santé et analystes en nutrition, pour l’environnement et surtout pour l’éthique. Merci aussi de ne plus accepter sur votre table de concertation des industriels en produits laitiers, viande ou oeufs, qui prônaient pour leur poche avant tout.