*La dernière mise à jour de cet article date du 21 mai 2020*

J’ai vu passer bien des choses sur l’alimentation pour prévenir ou guérir la COVID-19. Vous le savez, on parle ici d’un nouveau virus. On connait donc très peu de choses à son sujet et c’est un dossier qui bouge assez rapidement d’un point de vue de la science. Je me suis donc dit que ça pourrait être une bonne idée d’expliquer quelles sont les recommandations nutritionnelles actuelles concernant cette maladie.

Le système immunitaire et l’alimentation

Évidemment, notre système immunitaire est affecté par notre alimentation, comme n’importe quelle fonction du corps humain. Il a besoin de différents nutriments pour être capable de jouer son rôle comme il faut. Les gens qui souffrent de carences en nutriments peuvent ainsi être plus à risque d’infections.

Plusieurs personnes utilisent ce fait pour affirmer qu’on devrait supplémenter les nutriments qui participent à notre immunité. Par exemple, ils disent : « Puisque la vitamine C est essentielle au système immunitaire, alors il faut prendre des suppléments de vitamine C pour booster notre système immunitaire. » Ce n’est toutefois pas comme cela que ça fonctionne. Oui, une personne qui souffre d’une carence en vitamine C et qui prend des suppléments (ou qui mange un fruit!) pour la régler aura des bénéfices. Mais si vous en consommez déjà suffisamment, votre système immunitaire ne deviendra pas plus performant. Vous allez simplement évacuer le surplus dans votre urine. Au Canada, 97% des gens ont un taux de vitamine C qui est suffisant.

Les recommandations nutritionnelles officielles ne changent pas en cette période de pandémie. Une alimentation équilibrée est suffisante pour remplir les besoins en nutriments. Ce sont encore les mêmes recommandations que celles véhiculées par le Guide alimentaire canadien : manger une diversité d’aliments peu transformés, en favorisant les végétaux. En gros, on conseille de remplir notre assiette de fruits, de légumes, de légumineuses, de noix, de graines, de tofu et de grains entiers. (Sans oublier le lait, la viande, le poisson ni le yogourt si ce sont des aliments qu’on consomme.)

Je ne sais pas d’où vient cette croyance selon laquelle notre système immunitaire n’est pas capable de faire sa job sans suppléments. Chaque jour, nous sommes exposés à des milliers de bactéries et de virus qui pourraient potentiellement nous rendre malades. Mais nous ne sommes pas malades tous les jours! Il faut apprendre à lui faire confiance.

En bref : Pour la population en général, le simple fait de manger suffisamment et de manger une variété d’aliments frais devrait suffire à combler vos besoins et ainsi soutenir le travail de votre système immunitaire. Si vous avez une carence en vitamines ou minéraux qui a été testée par un médecin, écoutez les recommandations de celui-ci et prenez les suppléments qu’il vous recommande afin de régler ce manque.

Le cas de la vitamine D

La vitamine D est peut-être l’exception qui confirme la règle, puisque c’est surtout par l’exposition au soleil que nous comblons nos besoins. Comme nous vivons dans un pays nordique, notre exposition au soleil est beaucoup moins grande, ce qui peut mener à des manques en cette vitamine. En tout temps, Santé Canada recommande aux personnes de 50 ans et plus de prendre un supplément de vitamine D de 400 UI quotidiennement.

Plusieurs médias ont rapporté des propos de chercheurs qui recommandaient à la population de prendre des doses massives de vitamine D pour éviter le virus. Cette recommandation n’est même pas basée sur des études cliniques chez l’humain, mais plutôt sur des hypothèses. Effectivement, les gens qui manquent de vitamine D et qui prennent des suppléments pour combler ce manque risquent d’avoir des bénéfices, comme expliqué plus haut. Cependant, rien n’indique que dépasser nos besoins aura un quelconque effet sur notre système immunitaire. Au contraire, les doses massives de vitamine D peuvent être toxiques.

Les aliments, les diètes et la COVID-19

Plus spécifiquement, des gens affirment avoir trouvé la solution pour s’attaquer directement à ce nouveau virus, que ce soit par des aliments ou des diètes particulières. Par exemple, je me suis déjà prononcé sur l’allégation disant que manger des aliments alcalins permettait de tuer le virus. J’ai aussi vu passer des conseils disant de couper certains aliments comme le sucre, puisque le virus s’en nourrit. (Un virus, ça ne mange pas…)

Ce serait beaucoup trop long d’énumérer toutes les allégations que j’ai vues passer à ce sujet. Une chose est sûre, n’importe quelle personne qui affirme avoir trouvé le remède alimentaire pour prévenir ou guérir la COVID-19 ne se fie pas à la science. En date d’aujourd’hui, il n’existe aucun supplément ni aliment qui a été prouvé comme étant capable de prévenir ni de guérir la COVID-19. On s’entend, ça pourrait changer! On découvre de nouvelles choses chaque jour sur ce virus. Mais rien de ce côté pour le moment.

On m’a aussi demandé quoi manger si on est atteint de la COVID-19. C’est la même chose. Il n’existe aucun aliment spécial à consommer. La seule recommandation, c’est d’essayer le plus possible de manger, même si on ne se sent pas bien, parce que notre corps a besoin d’énergie pour combattre les infections. D’ailleurs, si quelqu’un dans votre entourage est malade, pensez à le contacter pour voir s’il a besoin d’aide. Parfois, de bons repas cuisinés peuvent vraiment faire du bien.

Les charlatans jouent sur notre besoin de contrôle

Je comprends que ça peut être stressant de sentir qu’on n’a pas le contrôle sur la situation. Ça serait tellement le fun de pouvoir dire : « Mangez une orange bio et 10 bleuets pour prévenir la maladie », mais ce n’est tellement pas aussi simple. Ceux qui vendent des suppléments, des huiles essentielles, des diètes et autres produits censés « booster » notre système immunitaire savent qu’on cherche des solutions. Ils nous promettent donc ce qu’on veut entendre, dans le but de vendre.

Ce n’est rien de nouveau, les charlatans ont fait la même chose pendant l’épidémie de grippe espagnole et le font encore tous les jours avec les gens souffrant de maladies pour lesquelles la médecine moderne n’a pas encore la réponse. Depuis le début de la pandémie, Santé Canada a d’ailleurs envoyé des avertissements à de nombreuses compagnies canadiennes qui vendaient des produits avec ces fausses allégations.

Chaque fois que quelqu’un vous promet quelque chose qui a l’air trop beau pour être vrai, c’est important de rester très sceptique et de vous demander si elle a quelque chose à gagner en vous faisant croire une affirmation.

La notion de plaisir

Depuis le début de la crise, j’ai beaucoup axé mes messages autour de l’importance du plaisir pendant le confinement. On en parle d’ailleurs beaucoup dans notre épisode de podcast On s’appelle et on déjeune spécial confinement.

J’ai fait ce choix pour toutes les raisons énoncées plus haut. S’il n’existe aucun supplément ni aliment spécial et que les recommandations restent exactement les mêmes qu’auparavant, alors aussi bien aider les gens à passer au travers du confinement sans trop de stress.

Quand on se fait dire que les aliments sont comme des médicaments ou qu’on risque d’attraper la COVID-19 si on ne mange pas les bonnes choses, ça met beaucoup de poids sur les épaules des individus. Je pense que c’est vraiment important de se rappeler qu’en plus d’avoir un impact sur notre santé physique, les aliments sont aussi liés à nos émotions. Dans les moments stressants, cela peut d’ailleurs être difficile pour les gens qui ont une plus ou moins bonne relation avec les aliments. Au contraire, ce serait merveilleux si la cuisine était plutôt perçue comme une façon de chasser ces émotions négatives.

Je pense que c’est important de manger des choses qui nous font plaisir. De cuisiner des mets qui ajoutent du bonheur à notre vie, peu importe leur valeur nutritionnelle. Et ça, c’est tout le temps, pas juste en période de guerre contre la COVID-19.

Il est important de noter que puisque la situation est récente et exceptionnelle, les articles scientifiques sont publiés plus rapidement qu’à l’habitude, avec moins de temps de vérification, et sont moins nombreux. J’essaierai de mettre des références plus solides lorsqu’elles existeront…

Butler M. J. & Barrientos R. M. (2020) The impact of nutrition on COVID-19 susceptibility and long-term consequences. Brain, Behavior and Immunity. DOI : https://doi.org/10.1016/j.bbi.2020.04.040

Diététistes du Canada. Conseils pour le grand public au sujet de la COVID-19 / du coronavirus. https://www.dietitians.ca/News/2020/Advice-for-the-general-public-about-COVID-19 (Page consultée le 16 mai 2020)

Diététistes du Canada. Practise-based Evidence in Nutrition. Trending Topics : COVID-19. https://www.pennutrition.com/TrendingTopics.aspx?mode=TAG&tag=COVID-19 (Page consultée le 16 mai 2020)

Handu D, Moloney L, Rozga M, Cheng F. (2020) Malnutrition Care during the COVID-19 Pandemic: Considerations for Registered Dietitian Nutritionists Evidence Analysis Center. Journal of the Academy of Nutrition and Dietetics. DOI: https://doi.org/10.1016/j.jand.2020.05.012

Kalantar-Zadeh, K. (2020) Impact of Nutrition and Diet on COVID-19 Infection and Implications for Kidney Health and Kidney Disease Management. Journal of Renal Nutrition. DOI : https://doi.org/10.1053/j.jrn.2020.03.006

Lanahm-New S.A., Webb A.R. et coll. (2020) Vitamin D and SARS-COV-2 virus/COVID-19 disease. BMJ Nutrition, Prevention & Health. DOI : http://dx.doi.org/10.1136/bmjnph-2020-000089

Mehta S. (2020) Nutritional status and COVID-19: an opportunity for lasting change? Clinical Medecine Journal. DOI : https://doi.org/10.7861/clinmed.2020-0187

Santé Canada. Vitamine D. https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/nutriments/vitamine-d.html (Page consultée le 21 mai 2020)

Statistiques Canada. Les niveaux de vitamine C chez les Canadiens adultes selon les résultats de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé, 2012–2013. https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/82-003-x/2016005/article/14612-fra.htm (Page consultée le 16 mai 2020)


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