« Bonjour, je viens chercher ma prescription de pompes pour l’asthme. J’vais prendre aussi un paquet de Du Maurier. »
Si cette scène semble plutôt improbable, dans un passé pas si lointain, elle aurait pu se dérouler sans problème dans une pharmacie du Québec. Avant 1998, les pharmacies vendaient des cigarettes. Or, depuis, une loi provinciale interdit aux pharmacies de vendre des produits du tabac. L’Ordre des Pharmaciens du Québec (OPQ) considère d’ailleurs (avec raison) qu’il est « incompatible pour un pharmacien d’offrir à la population des produits du tabac alors qu’il en constate lui-même les effets néfastes et dispense ses services pour en traiter les effets ».
C’est donc un total non-sens pour une pharmacie d’offrir un produit qui nuit à la santé des patients du pharmacien. Or, les pharmacies sont encore le royaume des boissons sucrées et autres aliments transformés peu nutritifs qui peuvent être néfastes pour la santé.
Dans le but de dresser un portrait de l’offre alimentaire en pharmacie, nous avons visité quatre grandes bannières québécoises. Le constat? Quelques bons coups, mais surtout beaucoup de travail à faire.
L’offre alimentaire en pharmacie
La majeure partie des aliments retrouvés en pharmacie sont de faible qualité nutritionnelle et sont riches en sucre, en gras et en sel. Croustilles, bonbons, chocolats et boissons sucrées se côtoient allègrement, généralement près des caisses ou aux extrémités de la rangée d’alimentation. Ces produits se retrouvent fréquemment dans les circulaires et bénéficient de promotions. Bref, les pharmacies encouragent la consommation de ces aliments.
Au cas où vous auriez besoin d’un rappel, la consommation excessive d’aliments transformés est reconnue comme un facteur de risque important dans le développement de plusieurs maladies chroniques comme le diabète de type 2, le cancer et les maladies cardiovasculaires.
Selon le code de déontologie de l’OPQ : « Le pharmacien a le devoir primordial de protéger et de promouvoir la santé et le bien-être de ses patients; il doit notamment aider ceux-ci à retirer tout le bénéfice possible de leur thérapie médicamenteuse. »
Est-ce qu’offrir une vaste gamme de boissons sucrées ou de croustilles en spécial permet réellement aux patients de la pharmacie de retirer tout le bénéfice possible de leurs médicaments pour le diabète ou l’hypertension? Il réside clairement un non-sens dans l’offre alimentaire de ces établissements de santé.
Faire de l’argent en encourageant la saine alimentation
La vente d’aliments constitue évidemment une source de revenus pour les pharmacies. À titre indicatif, les pharmacies représentent environ 7% du marché de l’alimentation en terme de ventes, ce qui les placent juste en dessous des magasins à grandes surfaces (type Walmart) avec 10% des ventes, mais au-dessus des magasins spécialisés (fruiteries, poissonneries, etc.) avec 5% des ventes. Vendre des aliments populaires comme des boissons gazeuses, des bonbons et des croustilles est donc payant.
Pourtant, certaines bannières semblent avoir compris qu’une offre alimentaire alternative, de meilleure qualité, pouvait être gagnante d’un point de vue économique. L’offre alimentaire de certaines pharmacies s’est élargie au fil du temps et laisse maintenant place à de bons choix. Par exemple, on trouve des fruits et légumes en conserve, du pain, des céréales à déjeuner, du lait, des boissons de soya, du yogourt, des œufs, du beurre d’arachides, du poisson en conserve et des légumineuses. Il est possible pour le consommateur de retrouver des aliments de base nutritifs. Ces pharmacies deviennent ainsi des commerces de proximité qui peuvent lutter contre les déserts alimentaires en offrant des aliments nutritifs. Voilà un concept qui correspond à la mission d’une pharmacie, soit celui de promouvoir la santé et le bien-être.
Il est tout à fait inconcevable pour une pharmacie de continuer d’offrir à la population des aliments de faible qualité nutritionnelle. Qu’attendons-nous exactement pour changer les choses?
MAPAQ, Bottin statistique de l’alimentation, édition 2015. http://www.mapaq.gouv.qc.ca/fr/Publications/Bottin_Statistique2015.pdf
Organisation mondiale de la santé. Alimentation. http://www.who.int/topics/diet/fr/
Totalement d’accord avec toi Bernard ! Comme pharmacien, c’est décourageant quand un client vient chercher ses 8 médicaments pour un syndrome métabolique et demande où est la liqueur en spécial.
Qu’attendons-nous pour changer les choses ? Plusieurs points à considérer :
1) Le décision ultime revient aux bannières (chaînes) de pharmacies. C’est donc sur ces dernières qu’il faut faire pression.
2) Ça serait utile si une bonne partie de cette pression venait des pharmaciens eux-mêmes. Car même si on oublie les décisions commerciales et tout, je crois qu’ultimement le pharmacien propriétaire endosse en quelque sorte ce qui se vend sous son toit. Les pharmacien(ne)s ne se plaignent pas assez ouvertement de la situation.
3) J’ai récemment donné une conférence aux actionnaires d’une des grandes chaînes justement pour les encourager à flusher les produits inappropriés de leurs tablettes (genre cures détox et autres). Quand j’ai parlé de la malbouffe, ça a a suscité des rires de malaise, mais ensuite des dirigeants de la chaîne sont venus me dire qu’ils sont en processus de réflexion à ce sujet… Espérons que ça se traduira en actions concrètes.
4) Les chaînes de pharmacies cherchent à se dinstinguer… Me semble que ça serait un méchant bon coup de marketing d’introduire une offre alimentaire saine et durable ?
Merci pour la critique constructive !
Plus d’un an après ce commentaire, Familiprix annonce son désir de retirer la malbouffe des pharmacies. 🙂 Comme tu dis : méchant bon coup marketing! http://www.journaldemontreal.com/2017/03/15/familiprix-veut-bannir-les-gourmandises-de-ses-tablettes
Dire que les aliments en pharmacie, c’est payant, c’est très loin de la vérité. Par contre beaucoup de pharmaciens font face à des chaînes ou des bannières qui leur imposent de détenir ces surfaces et ces produits. Mais, c’est certain, que la logique voudrait qu’on ne trouve pas ces produits dans une pharmacie , mais que fait l’Ordre des Pharmaciens du Québec?….
Vous avez raison. La proportion des revenus qui provient de la vente d’aliments est bien plus mince que celle qui provient de la vente des médicaments. Je pense que ça devrait être un incitatif supplémentaire pour simplement les éliminer. Merci pour votre commentaire!
Très belle analyse! Qu’on passe le mot. La mission d’une pharmacie et d’aider à soutenir la santé. De plus en plus d’expériences montrent que l’on peut rentabiliser la vente d’aliments qui permettent la santé, mais il faut mobiliser les clients, les encourager à les acheter, les informer. Une politique alimentaire pour les pharmacies ferait une grosse différence pour leur clientèle. Soyons stratègiques!
Absolument, je suis d’accord avec vous! Merci!
Excellent point. La dernière fois que je suis allée au Pharmaprix, il y avait un spécial sur une marque de boissons gazeuse. À la caisse, les 3 personnes devant moi en avaient plein leur panier. Aucun autre achat, juste ça, à coup de paquets de 12 ou 24 cannettes. Pour ma part, je n’en bois pas parce que je n’aime pas ça, alors je trouve toujours ça incroyable de voir des gens en acheter une telle quantité.
Ton article me rappelle une anecdote. J’avais une amie au cégep qui clamait toujours (à la blague, bien sûr) que son chocolat ou ses croustilles étaient « santé parce que acheté à la pharmacie. »
Merci pour votre commentaire. 🙂
Très bel article! Ce n’est pas quelque chose qui est souvent discuté. Je properai plutôt d’augementer la quantité d’aliments santé offerts avant d’éliminer ou de diminuer la vente de produits de faible qualité nutritionnelle. Chaque cigarette qu’on fume augmente notre risque de cancer et maladies, mais les aliments de faible qualité nutritionnelle en modération ne posent pas autant de risque. Mais pour le moment, on n’a pas trop de choix santé! Peut-être avoir plus de nutritionnistes dans les phamarcies aiderait aussi 😉
Ca commence dans les dépanneurs: http://www.collectifquartier.org/2015/11/depanneurs-sante-une-pomme-avec-ca/
Merci pour cet article.
J’avais la même réflexion en tant que nutritionniste, mais aussi en tant que maman. C’est toujours un défi de passer à la pharmacie avec mon fils. En plus des boissons sucrées, s’entremêlent les personnages enfantins (ex.: M&M géant), les bonbons, etc. Loin d’être rigide sur le plan alimentaire, il y a clairement un déséquilibre quand on rentre dans la plupart des pharmacies.
Je m’intéresse aussi au projet de dépanneurs santé et il y a certainement des parallèles ou sources d’inspiration pour les pharmacies, surtout que les processus d’approvisionnement sont possiblement plus simples ? Je suis contente d’apprendre que les chaînes sont en réflexion. À suivre…
https://fairemtl.ca/fr/pomme-ca-projet-depanneurs-sante