
Je me suis fait envoyer par quelques lecteurs une nouvelle selon laquelle une étude vient de prouver que manger végé, ou « santé » était pire pour l’environnement que la diète typique nord-américaine. On y affirme également que manger de la laitue est finalement plus polluant que manger du bacon. Comme l’article sentait la bull**** à plein nez, j’ai investigué davantage.
Ce que dit l’étude
Bon, premièrement, il faut comprendre un peu ce que les chercheurs ont voulu faire. En gros, ils ont comparé trois types d’alimentation selon leur utilisation d’eau et d’énergie et leur émission de gaz à effet de serre, avec la façon dont l’Américain moyen s’alimente présentement.
L’Américain moyen consomme trop de calories pour ses besoins et ne consomme pas les bons types d’aliments dans les bonnes proportions (trop de viande et d’aliments transformés, pas assez de fruits et de légumes, de grains entiers, de légumineuses, de poisson.)
1er type
Calories : Recommandations du Guide alimentaire américain.
Types d’aliments consommés : Aliments typiques de la diète nord-américaine (beaucoup de viande et d’aliments transformés, peu de fruits, de légumes, de grains entiers, etc.).
2e type
Calories : Telles que consommées présentement (trop de calories).
Types d’aliments consommés : Recommandations du Guide alimentaire américain.
3e type
Calories : Recommandations du Guide alimentaire américain.
Types d’aliments consommés : Recommandations du Guide alimentaire américain.
Sans surprise, les chercheurs ont ainsi calculé que le fait de diminuer la quantité de calories consommées/gaspillées diminuait l’impact environnemental, autant pour l’eau, que pour l’énergie et les gaz à effet de serre.
Mais là où les résultats sont plus intrigants est dans le 2e scénario où le fait de suivre les recommandations actuelles (2010) du Guide alimentaire américain en termes d’aliments amènerait une plus grande utilisation d’énergie (+ 43 %), une plus grande utilisation d’eau (+ 16 %) et une plus grande émission de gaz à effet de serre (+ 11 %).
Bref, ce que concluent les auteurs, c’est que ce qui est bon pour nous n’est pas nécessairement bon pour la planète et que les recommandations alimentaires gouvernementales devraient inclure l’aspect durable de l’alimentation.
Jusque-là, je ne vois rien qui cloche, mais, le problème, c’est que ce n’est pas de cette façon que les résultats ont été présentés dans les médias.
Les médias ont déclaré que manger végé serait pire pour l’environnement et que les légumes auraient un plus grand impact environnemental que la viande. Ce serait tentant de se dire que c’est encore la faute des « maudits journalistes » qui rapportent tout croche les nouvelles, mais cette fois-ci, c’est carrément l’université d’où provient l’article qui mériterait une fessée et d’être privée de jeux vidéo et de télévision pour au moins une semaine !
Dans l’étude en question, les chercheurs n’ont PAS, je répète, PAS évalué l’impact d’une alimentation végétarienne. Pourtant, le titre de la nouvelle de l’université est : « L’alimentation végé et santé pourrait être plus néfaste pour l’environnement. »
MAIS POURQUOI ?!
C’est l’histoire d’une université qui voulait faire parler d’elle
Je les imagine se parler la semaine dernière. « Hey guys ! La COP21 vient de se terminer. Ça serait sûrement le bon temps pour parler de notre étude qui dit que manger des fruits et des légumes est pire pour l’environnement que manger de la viande ! Ça va fucker tout le monde ! Hahaha ! »
En fait, quand les chercheurs ont voulu évaluer une alimentation « santé », ils ont diminué la quantité de sucre, de gras et de viande et ont augmenté la quantité de grains céréaliers, de poisson, de fruits de mer, de fruits, de légumes et de produits laitiers. On est loin d’une alimentation végétarienne !
Et leur raison pour incriminer particulièrement les fruits et les légumes ? C’est que, voyez-vous, calorie pour calorie, ces derniers demandent plus de ressources que certaines viandes. Par exemple, calorie pour calorie, la laitue demande plus d’énergie que le bacon.
Cette comparaison, qui est d’ailleurs fréquemment utilisée par l’industrie de la viande pour redorer le blason de ses produits, est simplement irréaliste et trompeuse. Premièrement, quand on diminue notre consommation de viande, on la remplace par d’autres sources de protéines, comme des légumineuses, pas par de la laitue et des concombres ! Ce sont des aliments qui n’ont aucun lien d’un point de vue nutritionnel. Deuxièmement, les auteurs oublient de mentionner que si on compare calorie pour calorie, les quantités, elles, sont très différentes. Il y a autant de calories dans 4 tranches de bacon que dans 8 têtes de laitue Boston. C’est normal que cela demande plus d’énergie pour produire 8 têtes de laitue que 4 tranches de bacon…
Vive la désinformation !
Bref, encore une fois, on a affaire à un bel exemple de désinformation en alimentation. Tout le monde s’entend pour dire que manger moins de viande et diminuer le gaspillage alimentaire sont deux solutions à privilégier si on veut mettre moins de pression sur la planète. Donc, non, la prochaine fois que vous commanderez un BLT, inutile de demander au serveur de retirer la laitue et de doubler le bacon « pour l’environnement ».
Tom M.S., Fischbeck P.S. et Hendrickson C.T. Energy use, blue water footprint, and greenhouse gas emissions for current food consumption patterns and dietary recommendations in the US. Environ Syst Decis 2015:1-12
Excellent votre article! Vous expliquez très bien ce qui cloche avec toute cette histoire, merci. En plus de cette distortion de la vérité, le fait qu’autant de sites aient relaté la nouvelle est franchement décourageant…Beaucoup de gens cherchent à se conforter dans leur habitudes et ne chercheront pas plus loin…En tant que végé, je sens que je vais avoir des discussions intéressantes durant les fêtes. 😛
Je n’ai pas évalué l’étude car seulement le résumé est disponible gratuitement. Mais je suis presque sure que l’étude se concentre sur l’impact de la production des aliments étudiés mais néglige d’autres aspects importants.
Par exemple, la déforestation, la superficie de terrain utilisé, le transport (ferme-abattoir, abattoir-épicerie), la transformation, l’emballage et les matières fécales.
Il faut aussi se rappeler que les animaux libèrent du méthane, un gaz ayant un plus grand potentiel à effet de serre, ainsi que les oxydes d’azote.
Si je puis ajouter mon grain de sel.
Imaginons qu’un cochon mange l’équivalent de 1000 à 2000 laitues avant d’être abattu. Il a donc consommé et généré au moins 1000 fois l’énergie utilisée pour produire la laitue. Sans compter que le porc va créer des déchets et des gaz à chaque jour. (Un porc d’élevage mange en moyenne entre 6 à 8 livres par jour pendant environ 6 mois) Cette étude fait le choix d’étudier un autre aspect précis.
C’est pourquoi les agences spécialisées en développement affirment que, si tout le monde sur la Terre, mangeait beaucoup de viande (comme certains Occidentaux), ce ne serait pas viable. Produire des légumes et fruits est extrêmement moins énergivore au total et c’est tout à fait incomparable.
Le communiqué de l’université est sensationnaliste et lance une conclusion pas mal fausse. Les médias de masse aux États-Unis et au Québec l’ont repris parce qu’il est frappant. Le titre et le début de l’article (journal de Québecor) induisent les gens en erreur.*
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* Je cite la journaliste du journal de Québecor …
« Une récente étude de l’université Carnegie Mellon à Pittsburgh en Pennsylvanie défie les pronostics et démontre qu’un régime végétarien n’aiderait en rien à lutter contre les changements climatiques. »
Le titre : « [ÉTUDE] La laitue 3 fois pire que le bacon pour les émissions de gaz à effet de serre »
Le mythe végétarien (Lierre Keith)