C’est inévitable : quelque chose se produit dans la tête des gens quand ils apprennent qu’on est nutritionniste. Est-ce lié à une méconnaissance de la nutrition? Ou à une idée préconçue du métier et des gens qui le pratiquent? Peu importe, le résultat est le même, c’est-à-dire qu’il arrive très fréquemment qu’on me pose des questions ou qu’on me fasse des commentaires qui me rendent mal à l’aise. Et à force d’en discuter avec mes collègues, j’ai bien compris que je n’étais pas le seul dans cette situation.

Évidemment, je ne crois pas que ce soit fait avec de mauvaises intentions! Au contraire, ce sont plutôt des tentatives de small talk un peu maladroites qui ne semblent pas problématiques pour ceux qui les énoncent. Mais ces questions ou commentaires qui semblent inoffensifs créent une petite boule d’anxiété dans la poitrine des nutritionnistes qui en sont « victimes ».

Si vous avez un(e) nutritionniste dans votre entourage, il y a de bonnes chances que vous soyez coupable d’avoir prononcé une de ces phrases en sa présence. Mais n’ayez crainte, on ne vous en veut pas. On est habitués. Cela étant dit, je me suis dit que je profiterais du mois de la nutrition pour vous partager cinq de ces phrases que mes amis nutritionnistes et moi aimerions arrêter d’entendre à l’extérieur du travail!

 « Il va falloir que je fasse attention, je suis devant un(e) nutritionniste! »

Ça, c’est une scène typique lorsque je vais manger au restaurant avec d’autres personnes. Comme si j’étais la police de la bouffe, là pour vérifier que la commande de mes convives réponde au Guide alimentaire canadien… Premièrement, est-ce que vous êtes en train de me payer pour que j’analyse votre alimentation? Non? Voilà. Et, pour être bien honnête, je me fous pas mal de ce que vous mangez. Je suis trop occupé à choisir mon plat de toute façon.

Je comprends qu’en arrière de cette phrase se cache peut-être une émotion négative (stress, honte, culpabilité) associée au fait de commander de « mauvais » aliments. Non seulement c’est une façon très plate et nocive de voir l’alimentation, mais en plus, on est au restaurant pour avoir du plaisir. Est-ce qu’on peut oublier, au moins un instant (ou pour toujours!), les nutriments et les calories? Je peux vous garantir que je vais manger ce qui me rend heureux. Vous devriez faire la même chose. Et si vous avez un ami qui vous fait feeler cheap de commander des frites au lieu de la salade, nutritionniste ou pas, changez d’ami.

« Qu’est-ce qui est meilleur pour la santé entre du poisson ou une banane? »

Ce que cette question sous-entend, c’est : « Dis-moi lequel je devrais manger le plus. » Connaissez-vous l’expression « on ne compare pas des pommes avec des oranges »? Elle existe pour une raison! On ne peut pas comparer deux aliments complètement différents. Même si cette question a l’air simple, elle n’a aucun sens. Je m’explique.

Il n’existe pas de « bons » ni de « mauvais » aliments. Tous ont leur place dans notre alimentation, même si on doit privilégier le plus souvent possible ceux qui sont frais et peu transformés. On a besoin d’une diversité dans notre assiette. On ne peut donc pas dire que le poisson est meilleur pour la santé que la banane ni le contraire. Ces deux aliments contiennent des nutriments différents et jouent des rôles totalement différents dans notre menu. Si vous ne mangiez que des bananes, vous auriez des problèmes de santé. Même chose si vous ne mangiez que du poisson. Et bonjour la monotonie dans votre assiette!

« Combien il y a de calories là-dedans? »

Gurl! Est-ce que j’ai l’air d’une machine? Comment est-ce que je suis censé savoir combien il y a de calories dans ce que tu manges? Même l’industrie agroalimentaire a de la difficulté à arriver à une donnée exacte! Et si je le savais et que je te donnais un chiffre, que ferais-tu avec cette information? En quoi est-ce qu’elle te serait utile? Sais-tu vraiment de combien de calories tu as besoin?

Si vous croyez que les nutritionnistes calculent chaque calorie qu’ils ingèrent, vous faites fausse route. C’est bien trop aliénant et, surtout, inutile. Incomplète, cette donnée ne permet pas de dresser un portrait global de l’aliment et ne dit rien de sa qualité. Mieux vaut se fier au degré de transformation des aliments, qu’ils aient l’air santé ou non.

« Tu dois tellement bien manger! »

Chaque fois qu’on me dit ça, j’ai le goût de répondre : c’est quoi « bien manger »? On a tous une définition différente de la chose. Personnellement, est-ce que je considère que je mange bien? Je pense que oui. Est-ce qu’il y aurait place à amélioration? Certainement! Sauf que « bien manger » pour moi est sûrement pas mal moins strict que l’idée que vous vous en faites.

Ce commentaire sous-entend qu’on doit manger de façon parfaite parce que c’est notre métier d’aider les gens à « mieux manger ». Aux dernières nouvelles, nous sommes des êtres humains. Nous ne sommes pas parfaits. J’aimerais tellement que vous voyiez ce qu’on mange dans un party de nutritionnistes ! Oui, il y aura sûrement des crudités et des edamames (les stéréotypes n’existent pas pour rien!), mais aussi probablement huit desserts différents. On est nutritionnistes parce qu’on trippe sur les aliments!

Je vous l’accorde : il y a de grandes chances que l’alimentation occupe une plus grande place dans notre vie que dans celle de la moyenne des gens. Mais l’objectif n’est pas de manger TOUT LE TEMPS des aliments frais, bio, locaux, cuisinés nous-mêmes. « Bien manger » veut aussi dire avoir trouvé un équilibre qui fonctionne dans notre quotidien et qui ne nous fait pas constamment stresser sur ce qu’on va manger.

« J’aurais bien besoin de ça moi, un régime! »

Rajoutez un point si vous vous tapez le ventre en le disant. Deux points si vous levez votre chandail pour me le montrer. Et cinq points si vous faites ça alors que c’est la première fois qu’on se rencontre…

Encore une fois, c’est l’espèce d’image de la police de l’alimentation qui cause cette réaction. Ça se veut comme un commentaire comique, mais il laisse quand même sous-entendre une insatisfaction par rapport à l’apparence corporelle. Dans le même sens, un homme (obèse) m’a déjà dit, en apprenant que j’étais nutritionniste : « Tu dois te dire que tu as de la job avec moi! » Comme si j’étais en train de le juger sur son poids! Je trouve ça triste parce que ça témoigne de la perception qu’ont les gens d’eux-mêmes… et des nutritionnistes! Car non, les nutritionnistes ne jugent pas les gens sur leur poids.

Mais en plus, ON NE FAIT PAS DE RÉGIMES! Je répète : les nutritionnistes n’offrent pas de régimes! C’est un des plus gros mythes de notre profession. Les régimes, ça ne fonctionne pas à long terme! On ne veut pas que vous soyez pris dans un carcan ni dans un cycle de restrictions. Notre but est d’adapter nos recommandations à votre mode de vie et à vos préférences, pour que ça soit le plus simple possible, que vous puissiez les intégrer, non sans quelques efforts bien entendu, et que vous finissiez par les oublier parce qu’elles feront partie de vos habitudes.


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