
Avez-vous peur des pesticides ? Vous n’êtes pas seul. Beaucoup de gens s’inquiètent de l’impact de ces produits sur la santé humaine. Avec le temps, j’ai développé un petit arsenal de trucs pour manger moins de pesticides. Mais avant d’entrer dans les conseils pratiques, je trouve important d’effectuer une petite mise au point sur les questions que je me fais poser le plus souvent et sur ce que dit la science à leur propos.
C’est quoi un pesticide ?
En agriculture conventionnelle, le type d’agriculture le plus courant au Québec, on utilise différents produits de synthèse pour se débarrasser des espèces indésirables. Les herbicides contre les mauvaises herbes, les insecticides contre les insectes et les fongicides contre les champignons. C’est ce qu’on appelle des pesticides. Ces produits se retrouvent sur et dans les plantes. Les aliments qu’on consomme, notamment les fruits et les légumes, en contiennent donc des traces.
Qui utilise les pesticides ?
On a tendance à penser aux fruits et aux légumes quand on parle de ces produits. En réalité, au Québec, ce sont les grandes cultures comme le maïs-grain et le soya qui en demandent le plus. C’est normal, ce sont les cultures qui occupent la plus grande superficie. En majorité, ces plantes servent à nourrir les animaux d’élevage et constituent des ingrédients populaires dans les aliments transformés.
Comparativement aux années 1990, on vend maintenant plus de pesticides par superficie de culture. Certains estiment que c’est parce que le gouvernement du Québec n’alloue pas suffisamment d’effectifs pour accompagner les agriculteurs dans leur travail. Ainsi, l’industrie agrochimique a trouvé une niche à combler où elle a beaucoup à gagner. Les compagnies produisant les pesticides engagent des représentants qui rencontrent les agriculteurs et enseignent comment utiliser leurs produits, comme les quantités à épandre.
À ce sujet, l’ancien ministre de l’Agriculture, Pierre Paradis, a affirmé en 2015 que les compagnies qui produisent des pesticides, comme Monsanto, sont plus puissantes que le gouvernement du Québec.
Les pesticides sont-ils dangereux pour l’environnement ?
Au Québec, la qualité de l’eau des rivières en milieu agricole se dégrade. Du moins, c’est le cas de celles testées par le Ministère du Développement Durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les Changements Climatiques. On retrouve des pesticides dans la majorité d’entre elles à des concentrations qui dépassent de plus en plus souvent les limites prescrites.
Leur présence dans l’environnement, dont les cours d’eau, est associée à une perte de la biodiversité. Par exemple, certains insecticides, comme les néonicotinoïdes, semblent être en partie responsables du phénomène de déclin des abeilles.
Bref, oui, ces produits ont un impact sur notre environnement et la contamination semble s’accroître. Mais doit-on vraiment se surprendre que des poisons pour plantes, insectes ou champignons affectent les organismes vivants lorsqu’ils sont dispersés dans nos sols, notre air et nos cours d’eau ?
Les pesticides sont-ils dangereux pour la santé ?
Comme pour tout, c’est la dose qui fait le poison. Ceux qui sont le plus à risque de subir les effets néfastes des pesticides sont les agriculteurs, les nourrissons, les enfants et les fœtus.
Chez les agriculteurs et les populations qui vivent en milieu agricole, on a associé l’exposition répétée à des concentrations élevées de pesticides à des problèmes respiratoires et neurologiques, des cancers, la maladie de Parkinson, la dépression, des fausses couches et des malformations congénitales.
Comme consommateurs urbains, nous sommes exposés à de très nombreux pesticides, mais en très petites quantités. N’importe quelle molécule qu’on ingère, qu’elle provienne des aliments, des médicaments ou des pesticides, a nécessairement des impacts à différents endroits dans notre corps. Par contre, il n’est pas clair si ces produits agrochimiques, aux doses auxquelles nous sommes exposés, sont réellement dangereux pour la santé.
Dans ce contexte, il y a une chose à ne pas oublier : on ne mange pas des pesticides purs. On les consomme en même temps que des aliments. Donc, de nombreuses molécules sont ingérées simultanément. Celles-ci peuvent avoir des effets contraires et même interagir entre elles.
Manger des fruits et des légumes, c’est bon pour la santé. Je crois que personne ne me contredira sur ce point. On le sait parce qu’on observe à peu près tout le temps, dans les études en nutrition, que ceux qui consomment le plus de ces aliments sont généralement en meilleure santé. Les participants de ces études mangent les mêmes fruits et légumes « avec-traces-de-pesticides » que nous. Pour moi, il s’agit d’un bon indice que manger ces végétaux est tellement bon pour la santé, que même si les pesticides ont réellement un impact néfaste à petite dose, j’en suis protégé.
Comme dernier point important, à mon avis, il ne faut pas oublier que si ces produits se retrouvent dans l’environnement, on finit par y être exposés de différentes façons, pas juste dans les aliments. Par exemple, on retrouve des traces de pesticides dans l’eau potable de certaines municipalités. On pourrait aussi argumenter que n’importe quelle activité humaine qui dégrade l’environnement peut éventuellement mener à des conséquences sur la santé des populations. En ce sens, il faudrait que le gouvernement effectue davantage d’actions afin d’appuyer les agriculteurs à obtenir de bons rendements en utilisant moins de pesticides, et qu’on règlemente davantage leur utilisation afin d’éliminer ceux qui soulèvent le plus de doutes quant à leur impact sur l’environnement ou la santé.
Mais en attendant, comme consommateurs, nous avons déjà plusieurs moyens à notre disposition si on veut diminuer la quantité de pesticides que nous ingérons. Voici donc mes quatre trucs pour manger moins de pesticides.
1) Acheter bio
On croit souvent qu’agriculture biologique signifie « sans pesticides », mais ce n’est pas vrai.
D’abord, comme notre eau, notre sol et notre air sont contaminés par des pesticides, même des fruits et des légumes qui seraient cultivés sans aucun de ces produits pourraient en contenir. C’est la réalité du 21e siècle, il faut s’y faire !
Ensuite, même les agriculteurs biologiques peuvent utiliser ces produits agrochimiques. Il existe toutefois des limites plus strictes sur les quantités appliquées. Plusieurs pesticides utilisés en agriculture conventionnelle y sont interdits.
Ainsi, même s’ils n’en sont pas exempts, il est bien démontré que les produits biologiques contiennent moins de pesticides que les aliments cultivés de façon conventionnelle. Manger bio représente donc une bonne façon de diminuer la quantité de pesticides que nous ingérons.
Il est parfois plus dispendieux d’acheter les aliments en version biologique. Une façon d’économiser est de se tourner vers les listes des fruits et légumes qui contiennent le plus de pesticides et des fruits et légumes contenant le moins de pesticides. Elles proviennent d’un rapport publié annuellement par l’Environmental Working Group et se basent sur des données du gouvernement américain. On peut ainsi réserver nos achats biologiques pour les fruits et les légumes les plus contaminés, ce qui permet tout de même de diminuer de beaucoup notre consommation de pesticides. Dans un monde idéal, le même outil serait disponible pour le Québec, mais ce n’est malheureusement pas le cas présentement.
2) Laver les fruits et les légumes
Entendons-nous sur quelque chose : que vos fruits et légumes soient bio ou pas, il est important de les nettoyer avant de les manger. Imaginez simplement le nombre de personnes qui peuvent avoir tripoté vos tomates avant qu’elles arrivent chez vous…
Nettoyer ces aliments permet également de se débarrasser d’une partie des pesticides. Passez-les sous l’eau du robinet et frottez-les pendant quelques secondes. C’est tout.
On trouve sur le marché des nettoyants à fruits et légumes vendus spécifiquement pour éliminer les pesticides, mais ils ne sont pas vraiment plus efficaces que la technique ci-haut. Investissez plutôt dans une brosse à fruits et légumes.
3) Enlever la pelure
Une certaine partie des pesticides se trouve sur la surface des aliments. Peler vos fruits et vos légumes, lorsque c’est possible, permet ainsi de réduire la quantité de ces produits de synthèse.
« Oui, mais c’est dans la pelure qu’on retrouve tous les nutriments ! »
Non. Ce n’est pas que dans la pelure que vous trouvez des nutriments. Par contre, c’est vrai qu’en l’enlevant, vous vous privez d’une certaine partie de ces molécules bénéfiques à la santé. La nutrition, ce n’est jamais noir ou blanc. Comme je l’expliquais un peu plus haut, de toute façon, les faibles concentrations de pesticides retrouvées sur vos aliments ne sont probablement pas si dangereuses que ça. C’est donc à vous de faire un choix. D’un côté ou de l’autre, vous ne mourrez pas parce que vous avez mangé ou pas la pelure de votre pomme…
4) Acheter local
En plus d’être une excellente façon d’encourager l’économie du Québec et de réduire la distance parcourue par nos aliments, manger local aurait aussi comme conséquence de diminuer la quantité de pesticides que nous ingérons.
Un rapport publié en 2016 par le MAPAQ mentionne que les fruits et les légumes produits au Québec contiendraient moins souvent de pesticides que ceux venant d’ailleurs. Lors des analyses effectuées, environ un fruit ou légume québécois sur trois contenait des traces de pesticides contre 71 % pour ceux importés.
Que vous décidiez d’appliquer ces trucs ou pas, le message que vous devez absolument retenir à ce sujet, c’est qu’il ne faut pas réduire votre consommation de fruits et de légumes. Qu’ils contiennent ou pas des pesticides, ils sont absolument essentiels à la santé.
Bérubé S. (2016, 16 septembre) Des pesticides plein les étals. La Presse. http://www.lapresse.ca/actualites/sante/201609/16/01-5021127-des-pesticides-plein-les-etals.php
Garcia J.G. et Teixeira P. Organic versus conventional food: a comparison regarding food safety. Food reviews International 2017;33(4):424-446
Gerbet T. (2015, 22 octobre) « Monsanto est plus puissante que le gouvernement », dit le ministre de l’Agriculture. Radio-Canada. http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/745694/monsanto-pesticides-quebec-paradis-heurtel
Lavallée B. (2015) Sauver la planète une bouchée à la fois. Éditions La Presse
Pisa L.W., Amaral-Rogers V., Belzunces L.P. et coll. Effects of neonicotinoids and fipronil on non-target invertebrates. Environ Sci Pollut Res 2014
Smith-Spangler C., Brandeau M.L., Hunter G.E. et Bravata D.M. Are organic foods safer or healthier than conventional alternatives? Ann Intern Med 2012;157(5):348-366
Vérificateur général du Québec. (2016) Rapport du Vérificateur général du Québec à l’Assemblée Nationale pour l’année 2016-2017. Chapitre 3 : Pesticides en milieu agricole.
Les études pour vérifier la limite permise des pesticides sur les fruits et légumes sont souvent faites à partir d’un seul pesticide à la fois. Puisque la chimie est une science très complexe, je ne serais pas surprise que lorsqu’ils sont mélangés, la toxicité doit être beaucoup plus importante. On nous dit souvent que les fruits et légumes non bio contiennent des traces de pesticides en dessous de la limite permise, mais qu’en est-il d’un cocktail de pesticides sur un même fruit ou légume?
Effectivement, nous sommes exposés à des petites doses de plusieurs pesticides différents. Comme vous le dites, il est tout à fait possible que ces cocktails de produits interagissent entre eux. Malgré tout, la conclusion reste la même : manger des fruits et des légumes est bon pour la santé et les bénéfices dépassent les risques potentiels des pesticides qu’ils contiennent.
Que fait-on lorsque les pesticides utilisés en agriculture bio sont plus néfastes que ceux utilisés en agriculture traditionnelle? Je pense entre autres ici au sulfate de cuivre, qui est beaucoup plus toxique que le glyphosate. De plus, l’épandage de pesticides/herbicides bio doit souvent être fait plus souvent et en plus grandes quantités que les pesticides/herbicides traditionnels.
Serait-il possible pour vous de me donner des références par rapport à ce que vous avancez? En ce qui concerne la fréquence des épandages, je dois avouer ne pas être au courant. Cela étant dit, il reste que les fruits et légumes bio contiennent moins de traces de pesticides que ceux qui ne le sont pas. On le sait car ces données proviennent d’études où on a analysé la teneur en pesticides de ces produits, dans le but de les comparer.
Bonjour,
En fait, le principale problème des pesticides non organique mais chimiques, c’est la bioaccumulation. C’est à dire que ces produits vont se concentrer dans le fruits ou le légumes puis dans notre corps toute notre vie contrairement aux produits utilisés dans l’agriculture bio qui seront évacués par le corps.
Après, rien ne vous empêche de bien nettoyer vos produits bio pour en enlever les potentiels résidus.
La bioaccumulation est notamment le principale problème lié au cocktail chimique, vu que ça génère une accumulation sur une longue durée.
Quelques liens :
Une enquête de cash investigation « Produits chimiques : nos enfants en danger » :
https://www.youtube.com/watch?v=bOSVKfmFusg
ETUDE DES RISQUES LIES A L’UTILISATION DES PESTICIDES ORGANOCHLORES ET IMPACT SUR L’ENVIRONNEMENT ET LA SANTE HUMAINE :
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00330431/document
Article du journal Le Monde :
http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/06/13/pesticides-les-preuves-du-danger-s-accumulent_3429549_3244.html
J’ajouterais ceci : https://antoineleblet.wordpress.com/2017/02/24/le-bio-cest-le-mal-vive-le-conventionnel/
Merci pour ces liens que je consulterai.
Bonne journée,
Je crois qu’il est important d’éviter de manger des pesticides. Malheureusement, la majorité des gens ignorent qu’il existe des pesticides néfastent dans la certification BIO. Ce sont, en fait, des pesticides non-sélectifs, ce qui veut dire que ce pesticide peut tuer les insectes sans préjudices (abeilles, insectes bénéfiques, amphibiens, etc). Étant maraîchère moi-même, je crois que la meilleure chose est de demander à son fermier local s’il utilise des pesticides (même bio!!!).