Dans La Presse d’hier, Marie-Claude Lortie signait un article intitulé Pas le temps d’être Martha. Elle y raconte la préparation d’un « gros souper » d’anniversaire pour un de ses enfants. Potage en entrée. Dinde accompagnée de légumes. Dessert acheté dans une épicerie. Mme Lortie explique que pour préparer sa dinde, elle est restée à la maison toute la journée, ou presque, et que pour avoir le temps de cuisiner le reste, elle a arrêté de travailler à 16h.

Pourquoi cette mise en contexte? Parce que le but de Mme Lortie, en racontant cette histoire, était d’illustrer que les gens n’ont plus le temps de cuisiner. Pas seulement des gros repas. Simplement plus le temps de cuisiner. Et qu’on ne lui dise pas que c’est parce que les gens ne prennent pas le temps. On n’a « vraiment pas le temps. »

Pas le temps?

Vous vous douterez bien sûr que je suis totalement en désaccord avec cette affirmation. Pas besoin d’être Martha pour cuisiner. Faire cuire une dinde, c’est long et pas juste un peu! Ce n’est pas un repas quotidien! Il existe une panoplie de recettes faciles et rapides à faire. Beaucoup plus qu’une dinde.

En 2011, l’équipe d’Extenso, le Centre de référence en nutrition de l’Université de Montréal, a publié les résultats du projet Tout le monde à table qui s’intéressait au souper dans les familles québécoises. Dans le cadre de l’étude, l’équipe a fait le tour du Québec pour demander à des parents comment se passait le moment du souper. La barrière la plus fréquemment nommée par les parents par rapport à la préparation du repas était le manque de temps. Pourtant, rares étaient les parents qui disaient planifier les repas à l’avance. Or, c’est avec la planification qu’on gagne le plus de temps et qu’on évite d’avoir à faire toutes les courses le jour-même et de cuisiner l’entrée et le plat principal et d’aller chercher le dessert dans une épicerie de campagne… Tout ça après sa journée de travail!

Dimanche dernier, j’ai cuisiné un potage aux poireaux. Super simple, mais tout de même une heure de temps de préparation/cuisson. Une heure que je n’aurais certainement pas de libre un soir de semaine. Pour cette raison, j’ai cuisiné 4 litres de potage. Je l’ai séparé en portions et j’ai rempli mon congélateur. Planifier et prévoir ne demande pas plus de temps, au contraire. Cette semaine, j’accompagne certains repas de potage aux poireaux que je n’ai qu’à décongeler au four micro-onde.

Pas besoin d’être Martha au quotidien.

La solution n’est pas dans le prêt-à-manger

Parce qu’on n’a pas le temps de cuisiner comme Martha Stewart, on ne devrait pas cuisiner, point? C’est le (dangereux) rapprochement que fait Marie-Claude Lortie en posant la question suivante : si on manque autant de temps, pourquoi alors parle-t-on encore des ravages de la malbouffe et de la cuisine industrielle d’un côté et de la cuisine maison bio, naturelle et locale de l’autre…

Elle propose alors d’explorer une troisième voie qu’elle appelle la « cuisine rapide » et donne l’exemple d’un nouveau traiteur qui livre des repas « maison » le midi. « Une voie qui réconcilie la réalité de ce double désir des familles québécoises : bien manger – des plats nutritifs, savoureux – dans un contexte social et économique où on a très peu de temps pour cuisiner » écrit-elle.

Près d’un Montréalais sur trois (29%) vit sous le seuil de faible revenu. Pourquoi parle-t-on encore de la malbouffe d’un côté et de la cuisine maison de l’autre? Parce que ce sont les voies les plus accessibles pour la plupart des gens. Quand vient le temps pour une mère d’acheter des aliments pour nourrir sa famille, elle a le choix entre investir son argent dans de la malbouffe qui ne coûte presque rien ou acheter des aliments et cuisiner. Recommander comme solution à la cuisine maison un service traiteur à 12$/repas me semble un peu déconnecté de la « réalité des familles québécoises ».

Je ne suis pas Martha au quotidien. Je ne le serai jamais. Mais la cuisine maison, pour moi, est LA solution à la plupart des problèmes liés à l’alimentation. Ça demande un peu de temps, oui, mais bien moins que de jouer à Martha, promis!

Extenso. Tout le monde à table – Rapport National. 2011

Ville de Montréal. La pauvreté à Montréal. [EN LIGNE] http://ville.montreal.qc.ca/portal/page?_pageid=8258,90427808&_dad=portal&_schema=PORTAL (Page consultée le 20 octobre 2014)


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