
Vous vous souvenez probablement de la tragédie de Fukushima au Japon en 2011 où une centrale nucléaire a été endommagée et a déversé de l’eau radioactive directement dans l’océan.
J’ai organisé un défi Facebook où j’invite les gens à intégrer des poissons et des fruits de mer responsables, c’est-à-dire dont la production ou la pêche ont un impact moins important sur l’environnement. Le premier poisson présenté était le saumon Sockeye pêché dans le Pacifique. Plusieurs participants ont déclaré éviter les poissons du Pacifique à cause de la contamination radioactive provenant de la centrale de Fukushima.
J’avais envie de répondre à ces personnes qu’elles n’avaient pas besoin de s’inquiéter, mais pour être franc, je ne m’étais jamais attardé à cette problématique. Oui, j’avais entendu des rumeurs de thon radioactif, mais je les avais balayées d’un revers de la main sans plus de recherche. Dans le but de rassurer les participants (et de me rassurer), j’ai donc décidé de creuser la question plus en profondeur.
Petite intro à la radioactivité
Je n’ai pas l’intention de vous donner ici un cours de physique, mais un petit survol de quelques notions sur la radioactivité va vous aider à comprendre le reste!
Dans la vie, nous sommes bombardés de radiations provenant d’isotopes radioactifs. Par exemple, quand on passe des radiographies, quand on voyage en avion ou même dans les aliments et dans l’eau, nous sommes soumis à des radiations. Les tests nucléaires effectués dans les années 1960 auraient produit de grandes quantités d’isotopes radioactifs qui se sont distribués partout sur la Terre et qui seront présents pendant encore longtemps. (Nice!)
Quand un accident comme celui de la centrale survient, une très grande quantité d’isotopes radioactifs est libérée dans l’environnement. Quand on dit qu’un isotope est radioactif, c’est qu’il émet de la radiation. En émettant cette radiation, l’isotope devient de moins en moins radioactif et finit par devenir stable. Certains deviennent stables très rapidement (en quelques jours), alors que d’autres peuvent émettre des radiations pendant des dizaines ou même des centaines d’années.
Dans le cas de la centrale de Fukushima, deux des isotopes problématiques libérés sont le 137Césium (137Cs) et le 134Césium (134Cs). Ces deux isotopes prennent plusieurs dizaines d’années avant de cesser d’émettre de la radiation. On est donc pris avec eux pour un petit bout temps!
Comme il existe différents isotopes radioactifs et qu’ils émettent divers types de radiation, on mesure la radioactivité totale en Sievert (Sv). On recommande aux gens d’éviter d’être exposés à plus de 1mSv (0,001 Sv) par année dans le but de diminuer, notamment, les risques de développer des cancers.
Les thons japonais
En 2012, des chercheurs ont mesuré la radioactivité de 15 thons rouges qui avaient voyagé du Japon jusqu’aux côtes de la Californie. Ces thons s’étaient nourris dans les eaux contaminées par la radioactivité de la centrale nucléaire et contenaient des quantités anormalement élevées de 137Cs et de 134Cs. Il n’a pas fallu plus de quelques jours à la suite de la publication de cette étude pour que les médias s’emparent de la nouvelle et la propage de façon alarmiste.
En 2013, ces mêmes chercheurs ont décidé d’estimer la quantité de radiation que les isotopes provenant de la centrale nous enverraient si on consommait un repas de ce thon radioactif. Pour une portion de 200g cru, le consommateur serait soumis à 7,7 nSv (0,0000000077 Sv), soit 1 million de fois moins que la limite recommandée, 1000 fois moins qu’une radiographie chez le dentiste ou 20 fois moins que la radioactivité retrouvée naturellement dans une banane! Vous commencez à comprendre?
Et les autres poissons?
Évidemment, on ne peut étendre ces résultats à toutes les espèces de poissons et tout n’est pas rose dans ce dossier. Le thon est un poisson pélagique, c’est-à-dire qu’il nage en hauteur. Les poissons près de Fukushima qui vivent au fond de l’eau, là où les isotopes radioactifs s’accumulent avec le temps, contiennent beaucoup, beaucoup plus d’isotopes radioactifs. Pour cette raison, toutes les pêcheries près de Fukushima sont fermées car les poissons testés possèdent encore des taux de radioactivité trop élevés pour être consommés. Ceci étant dit, ceci s’applique seulement aux poissons près des côtes de Fukushima, pas à l’ensemble de l’océan Pacifique!
Mon avis
En bref, nous sommes constamment bombardés de radioactivité, ce qui ne cause pas nécessairement de problèmes de santé tant que cette exposition reste sous des seuils acceptables. Même si les thons ayant nagé près de Fukushima contiennent plus de certains isotopes radioactifs à la suite de la catastrophe, les isotopes qui sont habituellement présents dans l’environnement fournissent déjà beaucoup plus de radioactivité sans que cela pose de danger à la santé humaine. On peut donc continuer à manger des poissons pêchés dans l’océan Pacifique sans crainte pour la radioactivité!
Buesseler K. , Aoyama M. et Fukasawa M. Impacts of the Fukushima Nuclear Power Plants on Marine Radioactivity. Environmental Science & Technology 2011;45:9931-9935
Buesseler K. Fukushima and ocean radioactivity. Oceanography 2014;27(1):92-105
Fisher N.S., Beaugelin-Seiller K., Hinton T.G., Baumann Z., Madigan D.J. et Garnier-Laplace, J. Evaluation of radiation doses and associated risk from the Fukushima nuclear accident to marine biota and human consumers of seafood. Proceedings of the National Academy of Sciences 2013;110(26):10670-10675
Madigan D.J., Baumann Z. et Fisher N.S. Pacific Bluefin tuna transport Fukushima-derived radionuclides from Japan to California. Proceedings of the National Academy of Sciences 2012;109(24):9483-9486