Bon, au moment d’écrire ces mots, je suis rendu à près de 400 commentaires en quelques heures sous une publication Facebook dans laquelle je parle du documentaire What The Health. Je reçois à peu près un commentaire à la minute. Vous comprendrez donc que c’est impossible pour moi de répondre à cette masse de messages. Je veux quand même essayer d’expliquer quelques petits trucs ici avant de retourner me cacher dans les bois.

1) C’est vraiment une situation bizarre dans laquelle plusieurs personnes tentent de me mettre. On me demande de justifier l’intérêt de consommer de la viande, mais ça va totalement à l’encontre de ce que je recommande. J’en parle d’ailleurs pendant la chronique (si vous l’avez écoutée). La science est assez claire : manger végé, c’est bon pour la santé. Et je ne dis pas ça parce qu’une seule étude est arrivée à cette conclusion, mais parce que des organismes comme l’Academy of Nutrition & Dietetics ont pris position en regardant l’ensemble de la littérature, démontrant que oui, manger végé, c’est bon. Est-ce que ça veut dire que c’est la seule façon d’être en santé? Bien sûr que non! Il y a d’autres modèles alimentaires, comme la diète Méditerranéenne, qui sont associés à de plus faibles taux de maladies chroniques. Et ce modèle alimentaire comprend de la viande, bien qu’en plus petites quantités que l’alimentation Nord-Américaine typique.

2) Même si manger végé est bon pour la santé, cela ne justifie pas, à mon avis, d’exagérer les méfaits de la viande en disant qu’elle est toxique et de dire qu’elle est la cause des maladies chroniques, comme le diabète. Les maladies chroniques sont causées par un paquet de facteurs, et même en ne regardant que l’alimentation, ce n’est pas un aliment ou un nutriment qui peut être tenu responsable. Le documentaire avance, par exemple, qu’on devrait arrêter de se soucier de la surconsommation de sucres libres et plutôt éviter la viande. Pourtant, de plus en plus d’études démontrent une association entre les maladies chroniques et la surconsommation de sucres libres. Il faut arrêter de chercher un coupable unique à nos problèmes, sinon on va simplement continuer à tomber dans les mêmes pièges.

3) Le film débute en parlant de l’OMS et de la catégorisation des charcuteries comme étant cancérigènes, tout comme la cigarette. Il prend ensuite pour acquis et base son argumentaire sur le fait que manger des charcuteries est aussi dangereux que le tabagisme. Or, voici ce que dit l’OMS à ce propos :

« Est-ce que cela signifie que consommer de la viande transformée est aussi cancérogène que fumer du tabac et être exposé à de l’amiante? Non, la viande transformée a été classée dans la même catégorie que d’autres agents, causes de cancer, comme le tabagisme et l’amiante (Groupe 1 du CIRC, cancérogène pour l’homme), mais cela ne signifie pas pour autant qu’ils sont tous aussi dangereux. Les classifications du CIRC décrivent la force des données scientifiques sur un agent comme étant une cause de cancer, mais n’évaluent pas le niveau du risque. »

Maintenant, est-ce que je vous encourage à consommer des charcuteries? Non! C’est ça qui m’énerve dans cette histoire. Rectifier la science ne signifie pas que je change mon fusil d’épaule tout d’un coup.

4) Lorsque le documentariste avance que manger un œuf par jour est aussi dommageable que de fumer cinq cigarettes par jour, il se base sur une étude publiée en 2010 qui a regardé la consommation de cholestérol alimentaire, le tabagisme et les risques de mortalité. Allez cliquer sur le lien vers l’étude et tentez de trouver le mot « egg »… Il ne s’y retrouve pas. Les auteurs de l’article n’ont jamais avancé l’affirmation du documentariste. En fait, ce qu’ils ont trouvé est une association entre la consommation de cholestérol alimentaire et les risques de mortalité. Ils ont également observé une association pour le tabagisme. Ensuite, des gens ont repris les données et ont extrapolé que manger un œuf par jour augmentait les risques de mortalité autant que de fumer 5 cigarettes par jour. Mais on ne peut pas faire ça. Le cholestérol alimentaire peut venir de différents aliments. Passer du cholestérol aux œufs est un raccourci. Un aliment est plus que la somme de ses nutriments.

5) Le documentaire part avec des intentions nobles et aborde des points importants. C’est vrai qu’on mange trop de viande et que les produits laitiers ne sont pas essentiels. C’est vrai que les conditions dans lesquelles les animaux sont élevés sont souvent déplorables. C’est vrai que l’utilisation d’antibiotiques en prévention, dans l’élevage des animaux, cause une réelle menace de santé publique en participant à la création de bactéries résistantes. C’est vrai qu’on gagnerait probablement tous à intégrer plus de végétaux à notre alimentation. C’est vrai que l’élevage des animaux demande tellement de ressources que cela impose une pression énorme sur l’environnement. C’est vrai que des associations de santé publique reçoivent de l’argent de l’industrie de la viande et que cela est questionnable.

Tout ça ne change rien au fait que je ne crois pas que d’exagérer des faits, voire mentir, est nécessaire pour faire passer un message. Au contraire, c’est tellement facile de réfuter des affirmations aussi sensationnalistes que j’ai peur que cela nuise à la perception qu’ont les gens du végétalisme.

6) Je suis vraiment content que plusieurs utilisent leur sens critique, ne prennent pas pour du « cash » ce que je dis et tentent d’aller plus loin. Peu importe de qui provient une information, on devrait toujours la traiter de façon critique. C’est ce qui devrait être fait aussi à l’écoute de ce documentaire.

7) À ceux qui croient que je suis un pantin de l’industrie de la viande… Vous n’êtes pas loin de la réalité. En fait, je suis un robot humanoïde contrôlé par les illuminati et mon objectif est de vous faire manger du steak.

*Fin de la retransmission. Blip. Bloup.*

Academy of Nutrition and Dietetics. Position of the Academy of Nutrition and Dietetics: Vegetarian diets. Journal of the Academy of Nutrition and Dietetics. 2016;116:1970-1980

Fondation des Maladies du Cœur et de l’ACV. (2014) Le sucre, les maladies du cœur et l’ACV.

Heather J. Baer*, Robert J. Glynn, Frank B. Hu, Susan E. Hankinson, Walter C. Willett, Graham A. Colditz, Meir Stampfer, and Bernard Rosner. Risk Factors for Mortality in the Nurses’ Health Study: A Competing Risks Analysis. American Journal of Epidemiology 2010;173(3):319-329

Organisation mondiale de la Santé. Cancérogénécité de la consommation de viande rouge et de viande transformée. http://www.who.int/features/qa/cancer-red-meat/fr (Page consultée le 21 juillet 2017)


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