Après quelques puffs du pot, vous êtes soudainement pris d’une envie quasi incontrôlable de vous mettre quelque chose sous la dent. Et plus c’est gras, salé ou sucré, mieux c’est. Que vous ayez déjà mangé auparavant ou non, votre appétit est de retour et il ne se taira pas avant que votre langue touche quelque chose de savoureux. Certains d’entre vous sont probablement familiers avec cette situation. C’est ce qu’on appelle les munchies. Il s’agit d’un phénomène assez fréquent et connu de ceux qui consomment de la marijuana. Du moins, c’est ce que j’ai entendu dire…

Le cannabis : un cocktail de molécules

Ça fait des siècles que l’effet du cannabis sur l’appétit est connu, mais ce n’est que beaucoup plus récemment qu’on a commencé à étudier pourquoi il procure cet effet.

Comme n’importe quelle plante, le cannabis contient de nombreuses molécules. Lorsqu’on consomme de la marijuana, celles-ci se retrouvent évidemment dans notre corps. C’est une classe particulière de molécules appelées les cannabinoïdes qui est concernée dans le cas des munchies. Parmi celles-ci se trouve le tétrahydrocannabinol (THC), soit la substance qui provoque les effets psychotropes tant recherchés. Par contre, plus d’une centaine de cannabinoïdes ont été découverts dans le cannabis jusqu’à présent.

Des molécules qui contrôlent votre faim

Dans notre cerveau et dans d’autres organes, on trouve des récepteurs qui réagissent à des molécules appelées des endocannabinoïdes. À cause de leur nom, vous comprendrez probablement que leur structure est semblable à celle des cannabinoïdes du cannabis. La seule différence, c’est que ces molécules circulent dans votre sang de façon normale, même sans consommer de marijuana.

Leur rôle est, entre autres, de participer à la régulation de la prise alimentaire et de l’appétit. En temps normal, elles sont capables de s’occuper de cette mission sans problème, mais quand vous ingérez du cannabis, que ce soit en le fumant, en le mangeant ou en le vaporisant, vous envoyez un paquet de cannabinoïdes dans votre sang, et votre corps ne comprend plus ce qui se passe.

À cause de leur forme similaire, le THC et d’autres cannabinoïdes de la marijuana peuvent interagir avec les mêmes récepteurs que les endocannabinoïdes de votre corps. Et comme ceux-ci influencent l’appétit, votre cerveau vous envoie le message qu’il est à nouveau temps de manger.

Fait intéressant, on a également trouvé des molécules qui peuvent interagir avec ces récepteurs dans l’origan, la cannelle, le poivre, la carotte, le persil et le céleri…

C’est la meilleure palette de chocolat ever!

Non seulement certains cannabinoïdes augmentent l’appétit, mais ils peuvent aussi favoriser le plaisir de manger. On ne sait toutefois pas trop exactement par quel mécanisme, mais des chercheurs croient que ce serait causé par l’effet psychotrope du THC. Cependant, les études sur le sujet sont très rares et on s’entend aussi que la situation dans laquelle on consomme le cannabis peut avoir un impact important. Le plaisir de manger ne sera probablement pas le même dans un laboratoire avec des chercheurs qui vous observent qu’à la maison avec des amis. Malgré tout, c’est normal d’avoir l’impression que la nourriture goûte particulièrement bon lorsque vous avez consommé de la marijuana.

Il reste que cet effet secondaire de la consommation récréative de cannabis peut avoir des applications intéressantes en santé. Par exemple, les personnes qui souffrent du SIDA, qui subissent des chimiothérapies ou qui ont perdu l’appétit à cause d’un âge avancé pourraient bénéficier d’une petite shot de cannabinoïdes pour leur redonner envie de manger. On l’utilise d’ailleurs déjà à cette fin chez certains patients.

Bref, même s’il s’agit d’un phénomène connu depuis longtemps, on l’a peu étudié. Avec la légalisation du cannabis, il y aura toutefois certainement un engouement de la part des chercheurs qui permettra de mieux le comprendre. Malgré tout, je suis persuadé que la prochaine fois que vous subirez les munchies, vous serez en mesure de réfléchir à une théorie pour expliquer tout ça.

Jager G. et Witkamp R.F. The endocannabinoid system and appetite: relevance for food reward. Nutrition Research Reviews 2014; 27:172–185

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Patel S. et Cone R.D. Neuroscience: a cellular basis for the munchies. Nature 2015; 519:38–40

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