La nouvelle est partout depuis ce matin : un rapport sénatorial critique vivement le Guide alimentaire canadien et suggère la révision complète de ce dernier. C’est drôle parce que je vous écris directement de mon wagon de train en direction d’Ottawa. Je m’en vais rencontrer Trudeau pour lui donner mes recommandations sur le prochain Guide…

I wish!

Non, en fait, je me dirige vers l’Université d’Ottawa où j’irai m’entretenir avec les étudiants en nutrition. Mais ma visite dans la capitale nationale est l’occasion parfaite pour vous parler de cette nouvelle qui aura, je l’espère, un impact sur notre outil de santé publique national.

À la base, le rapport porte sur l’obésité au Canada et offre une multitude de recommandations afin de contrer cette problématique de santé publique. Je pourrais vous parler en long et en large de chacune de ces recommandations, dont la majorité est très pertinente, mais je vais me concentrer sur certains points qui touchent directement au Guide alimentaire canadien.

Un Guide basé sur la science actuelle

Vous allez me dire que cela va de soi. Si on veut faire des recommandations aux Canadiens, il faudrait au moins s’assurer qu’elles soient basées sur la science la plus actuelle. C’est évidemment impensable (et inutile) d’actualiser le Guide alimentaire chaque fois que de nouvelles études sont publiées. Même le mettre à jour chaque année représenterait une charge monumentale de travail. Mais qu’est-ce qui explique que la dernière révision du Guide date de 2007? C’est un peu honteux.

Aux États-Unis, les recommandations alimentaires sont revues chaque cinq ans. Cela permet un suivi bien plus serré de l’évolution de la science et la population peut en bénéficier plus rapidement.

Bref, comme première recommandation, il faut réviser le Guide et s’assurer qu’il reflète l’état de la science actuelle (ce qui n’est pas le cas présentement). J’irais plus loin en disant qu’il faudrait mettre en place des mécanismes qui permettent une mise à jour plus fréquente de cet outil.

Un Guide qui tient compte de la transformation des aliments

Quelle est la différence entre un verre de jus d’orange et une orange? Entre des tranches de jambon et des légumineuses? Un verre de lait ou le fromage sur une pizza? Selon le Guide alimentaire canadien, il n’y a pas vraiment de différence. Il ne prend pas en compte le degré de transformation des aliments. Ou du moins, pas de façon suffisamment explicite.

Évidemment, un verre de jus d’orange n’est pas aussi nutritif qu’une orange. Et une tranche de jambon n’apporte pas les mêmes bienfaits que des légumineuses. Ils font pourtant partie du même groupe alimentaire et peuvent se substituer les uns aux autres, selon le Guide.

Ainsi, des aliments ultra-transformés, qui fournissent bien du gras, du sucre et du sel, et peu de nutriments intéressants, peuvent répondre aux recommandations du Guide alimentaire. Grâce à ce concept, une chaîne de restauration rapide peut affirmer haut et fort qu’il est possible de manger « équilibré » chez eux. Après tout, un cheeseburger contient du pain (produits céréaliers), de la viande (viande et substituts) et du fromage (lait et substitut). Accompagnez cela d’un verre de jus de fruits et vous avez tous les groupes alimentaires au menu! Wow!

Le rapport recommande ainsi d’être explicite à ce sujet et de faire la distinction entre les degrés de transformation des aliments et l’impact que cela peut avoir sur la santé.

Personnellement, j’irais encore plus loin en recommandant d’éliminer le concept de « portions », car il est trop facile pour l’industrie de reprendre ces messages et de les tourner à leur avantage.

Un Guide indépendant de l’industrie

L’industrie trouve toujours le moyen d’être présente lors de l’élaboration du Guide alimentaire. Nous leur laissons généralement la porte grande ouverte pour s’asseoir au sein du comité et donner leur point de vue. Et quand on la ferme, elle se met généralement à crier assez fort, jusqu’à ce qu’on l’écoute.

Les recommandations gouvernementales sont donc teintées des objectifs commerciaux de l’industrie agroalimentaire. Mais voulez-vous vraiment que ce soient les producteurs laitiers qui vous disent combien de lait vous devriez boire? Ou que l’industrie des boissons sucrées vous rassure en disant que le sucre n’est pas aussi dommageable qu’on le pense pour la santé? C’est leur travail de vendre leurs produits. Leurs messages reflètent cette réalité.

Pour cette raison, le rapport recommande de fermer la porte à l’industrie lors de la prochaine mise à jour du Guide. Le comité devrait exclusivement être composé d’experts en nutrition, en médecine, en biologie, en biochimie, etc.

Un Guide plus près de celui du Brésil (?)

C’est ici une supposition, mais j’ai l’impression que le comité qui a élaboré ce nouveau rapport a été grandement inspiré par le Guide alimentaire brésilien. Ça ne devrait pas être une surprise si vous lisez d’autres de mes articles : je suis en amour avec le guide alimentaire brésilien. J’en faisais d’ailleurs l’éloge dans La Presse l’an dernier.

En développant des messages qui misent sur le repas plutôt que sur les nutriments, tel que le recommande ce nouveau rapport, le Brésil a complètement cassé le moule dans lequel la plupart des autres guides alimentaires se trouvent. Avec des messages aussi simples que de préparer ses repas à partir d’aliments frais, de manger avec la famille et les amis, d’éviter les établissements de restauration rapide ou de retrouver le plaisir dans la préparation des repas, ce guide a permis de se détacher complètement de l’industrie et offre des recommandations qui auront un impact positif sur la population.

Évidemment, tout cela ne reste que des recommandations. Est-ce que le gouvernement va écouter le rapport? Est-ce que l’industrie va se laisser faire aussi facilement? Quand pourrons-nous tenir entre nos mains une nouvelle version du Guide?

Je n’ai malheureusement pas la réponse à toutes ces questions. Mais bien manger, ça peut être simple. Ça DOIT être simple. On n’a pas besoin de compter ses portions. Et on n’a certainement pas besoin d’attendre que le gouvernement nous le dise pour changer nos habitudes.


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