La forêt amazonienne brûle. Comme moi, vous avez certainement vu passer des images du « poumon de la Terre » transformé en brasier. Je pense que c’est de voir Sao Paulo enfumée et plongée dans le noir en plein jour qui m’a le plus choqué. On dirait un film de science-fiction.

Dans les derniers jours, j’ai vu passer de nombreuses publications qui associent notre consommation de viande à ce désastre environnemental et qui incitent les Québécois à délaisser la chair animale. J’avoue que j’ai moi-même été tenté de partager ces messages puisque le lien semble clair. Mais manger moins de viande peut-il vraiment sauver ce qu’il reste de la forêt amazonienne?

Nettoyer par le feu

D’abord, il faut savoir que ces feux sont allumés de façon intentionnelle dans le but de défricher et de « nettoyer » le terrain pour l’agriculture et l’élevage. C’est une pratique commune pour les agriculteurs de la région. Ces parcelles sont destinées en majorité au pâturage du bétail et à la monoculture de soya. En effet, pour nourrir les troupeaux, on doit dédier de grandes superficies de terre afin qu’ils broutent les herbes. On peut également leur donner d’autres aliments comme du soya et du maïs qu’il faut cultiver et qui nécessitent de l’espace, des engrais, des pesticides et de l’eau.

Le Brésil fait partie des plus gros exportateurs de bœuf et de soya. Ainsi, plus la demande mondiale de ces deux denrées augmente, plus le Brésil doit libérer de l’espace qui était occupé par la forêt amazonienne s’il veut y répondre.

Bref : oui, la consommation mondiale de viande est liée à cette déforestation. Dans le contexte environnemental actuel, ce serait bien plus efficace que ces terres restent occupées par la forêt ou, si nécessaire, qu’elles soient destinées à nourrir des humains, pas d’autres animaux. C’est sans compter les gaz à effet de serre produits par les ruminants.

Qui mange le soya et le bœuf du Brésil?

Mais où exactement vont ces denrées? Pas au Canada.

Ici, nous produisons beaucoup de soya. Tellement que les deux tiers quitte le pays sous une forme ou une autre. Nous en importons aussi un peu des États-Unis. C’est la Chine qui représente le plus gros acheteur de soya brésilien.

Les Canadiens ne sont pas non plus des consommateurs de bœuf brésilien. Selon le United States Department of Agriculture, 80% de la production est mangée directement par les Brésiliens. Du côté des exportations, la Chine et Hong Kong en ont acheté 44% en 2018, suivis par l’Égypte et le Chili. En comparaison, le Canada a acheté seulement 0,3% des exportations du Brésil.

Bref : dans le cas de la forêt amazonienne, ce sont les Brésiliens qui mangent la grande majorité de ce bœuf et la Chine est le principal importateur de ces denrées (avec Hong Kong). Ce sont donc eux qui tiennent le gros bout du bâton.

Agissons là où on a du pouvoir!

J’ai vu des commentaires qui disaient que « c’est la faute des Chinois » et qu’ils devraient manger moins de viande. D’abord, je peux vous le confirmer : vous n’avez aucun pouvoir sur ce que mangent les habitants de la Chine, même si vous chialez fort fort fort. Mais en plus, c’est une réaction un peu déconnectée de la réalité de se dédouaner en pointant un autre pays. Cette explosion dans la demande de bœuf et de soya provient de la croissance d’une classe moyenne plus aisée qui perçoit la viande comme une denrée prisée. Peut-on vraiment leur en vouloir, alors qu’ils sont simplement en train de rattraper les habitudes alimentaires que nous entretenons depuis des décennies au Canada et aux États-Unis? C’est un problème, je vous l’accorde. Mais on n’a pas de leçon à donner à personne.

Les dommages environnementaux de l’élevage industriel au Québec ne donnent peut-être pas d’images aussi spectaculaires que celles de la forêt amazonienne qui brûle. Pourtant, ici aussi, cette pratique contribue à la perte de la biodiversité en polluant nos terres, nos rivières et notre air. Le récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est assez clair : si on veut minimiser les effets des changements climatiques, il faut diminuer la consommation de viande, surtout dans les pays développés et surtout celle produite de façon industrielle.

Si je me fie au cycle médiatique, on passera probablement bientôt à la prochaine crise, en laissant la forêt amazonienne à son sort. Les images négatives peuvent motiver un moment, mais je crois que c’est plutôt par le plaisir que passent les changements durables. Découvrir des recettes végé qui nous plaisent et qu’on cuisinera souvent a probablement plus d’impact pour l’environnement que toutes les mauvaises nouvelles relayées par les médias. Si chaque personne qui a partagé des images de la forêt amazonienne partageait aussi une de ses recettes végé préférées, je suis persuadé qu’on convaincrait plus de gens à découvrir la richesse de saveurs et d’ingrédients qui composent les plats végé, tout en réduisant la pression qu’on impose à notre planète. (Voici la mienne)

Canadian Beef (2019) Canada’s Beef Industry – Fast Facts.

Soy Canada. L’industrie croissante du soya au Canada. https://soycanada.ca/fr/lindustrie/ (Page consultée le 24 août 2019)

Soy Canada. Supply & Disposition. http://soycanada.ca/statistics/supply-disposition/ (Page consultée le 24 août 2019)

United States Department of Agriculture. Brazil Once Again Becomes the World’s Largest Beef Exporter. https://www.ers.usda.gov/amber-waves/2019/july/brazil-once-again-becomes-the-world-s-largest-beef-exporter/ (Page consultée le 24 août 2019)

USDA Foreign Agricultural Service. (2019) Brazil: Livestock and Products Semi-Annual. 2019 Semiannual Livestock. http://www.usdabrazil.org.br/pt-br/reports/livestock-and-products-semiannual.pdf


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