
Une des questions que je me fais poser le plus souvent dans le cadre de mon travail, est : « Toi, tu prends du beurre ou de la margarine ? » Et pour être bien franc avec vous, je comprends les gens de ne plus savoir ce qui est vraiment mieux pour eux. Parmi les sujets de controverse en alimentation, le débat beurre vs margarine occupe une place de choix.
La petite histoire de la margarine
La margarine a été inventée en 1869 par Hippolyte Mège-Mouriès. À l’époque, elle était considérée comme un substitut « cheap » du beurre. Ce n’est que dans les années 1960 qu’elle a réellement commencé à s’imposer comme une option préférable au produit qu’elle tentait d’imiter. Puisque la margarine est constituée d’huiles végétales et contient plus de gras polyinsaturés que de gras saturés, elle était donc supposément meilleure pour la santé du cœur, que le beurre. Ce dernier contient majoritairement des gras saturés, qu’on croyait nocifs pour la santé cardiovasculaire sans l’ombre d’un doute. Il était donc perçu comme moins bon pour la santé.
Afin de transformer les huiles végétales en margarine ou en shortening, on leur faisait subir un processus appelé hydrogénation. Ce processus crée des gras trans, un type de gras qu’on ne retrouve pratiquement nulle part ailleurs dans les aliments. Ainsi les margarines produites à partir de cette méthode contiennent des gras trans.
Dans les années 1990, on commence à se rendre compte que les gras trans sont nocifs pour la santé du cœur. Ils font augmenter le « mauvais » cholestérol et font diminuer le « bon » cholestérol. À cause de cette découverte, la perception publique de la margarine change complètement. Elle « devient » alors potentiellement nocive pour la santé du cœur.
Dans le but de répondre à cette préoccupation du public, l’industrie a modifié ses pratiques. La plupart des margarines du commerce sont maintenant « non hydrogénées ». Celles-ci ne contiennent donc plus de gras trans et sont produites à partir de deux méthodes différentes. On peut prendre une huile naturellement saturée, comme l’huile de palme, et on utilise la partie de cette huile qui est la plus saturée afin de la mélanger à l’huile végétale de notre choix. Cela produit une margarine tartinable sans gras trans. L’autre méthode utilisée, qui a gagné en popularité, est l’interestérification.
L’interestérification
En gros, l’interestérification est un processus chimique ou enzymatique qui modifie la structure des acides gras, des molécules qui sont la base des huiles. On doit d’abord hydrogéner totalement des huiles végétales, comme l’huile de palme ou de canola, par exemple, puis les mélanger avec d’autres huiles. On applique ensuite le processus chimique ou enzymatique. Les acides gras ainsi créés permettent d’obtenir la consistance désirée en ne créant aucun gras trans.
Ces nouveaux gras, appelés gras interestérifiés, n’existent pas naturellement dans les aliments. L’interestérification crée ainsi de nombreuses nouvelles molécules auxquelles le corps humain n’a jamais été exposé auparavant. Bon, ne vous inquiétez pas, je ne suis pas en train de me transformer en Food Babe en criant haut et fort que parce qu’on n’a jamais été exposé à ces gras, ils sont nécessairement mauvais. Il reste tout de même intéressant de savoir comment réagit notre corps lorsqu’il est en contact avec ces nouveaux produits.
Les gras interestérifiés et la santé
En 2010, Hayes et Pronczuk, deux chercheurs, ont publié une grosse revue de littérature sur l’impact des gras interestérifiés. Au moment d’écrire ces lignes, c’était encore la revue de littérature la plus récente disponible.
Il y a malheureusement peu d’études qui ont été faites sur le sujet, surtout comparativement aux gras trans. Selon les chercheurs, en petite quantité, comme pour n’importe quoi, les gras interestérifiés n’auront probablement pas d’impact sur la santé. Cependant, toujours selon eux, si les gras interestérifiés venaient à remplacer tous les gras trans dans notre alimentation, ce qui est justement en train de se produire, ce serait potentiellement problématique.
Quelques études effectuées chez l’humain tendent quand même à démontrer que certains gras interestérifiés pourraient avoir des effets comparables aux gras trans, quoiqu’un peu moins marqués. Ils affecteraient les taux de cholestérol, ce qui pourrait avoir un impact néfaste sur la santé du cœur.
« Bon, encore une autre affaire ! »
J’avoue qu’en lisant ces conclusions, je me demande si on n’a pas changé un dollar pour quatre 25 sous en échangeant les gras trans pour les gras interestérifiés.
La vraie réponse c’est qu’on ne le sait pas, mais c’est possible. Encore une fois, on a effectué une modification dans l’offre alimentaire sans avoir étudié l’ensemble des conséquences possible de cette modification. Est-ce qu’on va devoir attendre des dizaines d’années avant qu’un chercheur, quelque part, se réveille et dise : « Oups… On a fait une gaffe finalement… »
« Mais qu’est-ce que ça change dans ma vie ? »
Si vous suivez mon blogue depuis un certain temps, vous comprendrez que ça ne change pas vraiment mes recommandations.
Les gras interestérifiés n’existent pas dans les aliments « de base ». Ce sont des gras créés par l’industrie. Comme pour les gras trans auparavant, ils se retrouvent en majorité dans les aliments transformés. Biscuits, craquelins, gâteaux, pâtes à tarte, crémages… Donc, comme vous l’aurez deviné, ils se retrouvent dans des aliments peu intéressants d’un point de vue nutritionnel. Des aliments qui contiennent beaucoup de sucre, de gras et de sel. Ma recommandation ne change pas dans ce cas-là. Ce sont des aliments qu’on devrait consommer au minimum.
Mais c’est dans la margarine, souvent vendue comme une option plus « santé » que le beurre que la présence des gras interestérifiés me préoccupe.
Alors, selon vous, beurre ou margarine ?
Je laisse Joan Dye Gussow, une nutritionniste américaine qui a toujours été « avant son temps », répondre à ma place avec cette citation de 1986 : « As for butter versus margarine, I trust cows more than chemists. »
K.C Hayes DVM & Andrzej Pronczuk. Replacing Trans Fat: The Argument for Palm Oil with a Cautionary Note on Interesterification, Journal of the American College of Nutrition 2010;29(sup3):253S-284S
Scrinis, G.. (2013). Nutritionism: The Science and Politics of Dietary Advice. Columbia University Press.
Tarrago-Trani M.T., Phillips K.M., Lemar L.E., et coll. New and Existing Oils and Fats Used in Products with Reduced Trans-Fatty Acid Content. Journal of the American Dietetic Association 2006;106:867-880
Que pensez-vous des substituts alternatifs comme le beurre de coco? (C’est le seul que je connais, peut-être vous ou d’autres lecteurs en connaissez d’autres). Sur un morçeau de pain grillé bien souvent la margarine me sert que pour ajouter un peu de gras et de sel alors que le gout reste camouflé par ce que je rajoute, comme le beurre d’arachides ou des confitures. Serait-ce une alternative intéressante au beurre et à la margarine?
Bonjour,
Cet article devrait répondre en partie à votre question. 🙂
http://plus.lapresse.ca/screens/be4216bf-7734-400b-85c0-d6648fd06720%7C_0.html
Bonne journée,
Bonne conclusion!
On les identifie comment dans la liste d’ingrédients ces gras?
Bonjour,
On les retrouve sous l’appellation : huile « modifiée »
Bonne journée,
Le beurre sera toujours plus naturel, et a l’avantage d’avoir un goût irremplaçable. Il s’agit d’en consommer avec modération.
j’adore la phrase de Joan Dye Gussow « As for butter versus margarine, I trust cows more than chemists. » parce que je sais se que mange et je sais se qui vas se passer si mange trop de beurre contrairement a la margarine.
merci pour ce belle article