Je m’appelle Bernard, j’ai 27 ans, (j’pense?) et je mange de la viande. Et du pain plein de gluten. Je mets du lait dans mon café et, des fois, je me fais livrer de la pizza parce que je suis trop paresseux pour cuisiner. Mais surtout, ça me fâche quand des blogues, des comptes Instagram, des chaînes Youtube ou des pages Facebook véhiculent une image irréelle d’un mode de vie sain et « parfait », comme si les personnes qui les animaient connaissaient mieux que quiconque LA façon de bien manger et que c’était d’une simplicité enfantine.

Je suis tombé sur un article écrit par Catherine Lamothe sur le blogue Ton Petit Look où l’auteure avoue se sentir jugée chaque fois qu’elle fait un choix alimentaire qui ne correspond pas à cet espèce d’idéal « d’alimentation saine » véhiculé par bon nombre de vedettes du bien-être.

Une image « parfaite »

Permettez-moi d’abord un petit aparté pour vous mettre en contexte.

En tant que nutritionniste, je dégage, sans le vouloir, une aura de santé et de « perfection » en alimentation. Quand ils ne me connaissent pas, les gens pensent que je ne mange que de la salade, jamais de fast-food, que je ne bois pas d’alcool, de café ou que je ne mange jamais de chocolat. Après tout, je suis un nutritionniste, donc je dois être « parfait », non?

Et comment les gens réagissent-ils quand ils sont confrontés à l’image qu’ils ont de moi? Ils se sentent coupables et se jugent eux-mêmes. Parce que je suis « parfait » et qu’ils ne le sont pas.

J’entends chaque jour quelqu’un me dire : « Ouf! Ne regarde pas ce que je mange! » ou « Ouin, tu dois me juger en ce moment, hein! » ou « Ah, hier je suis rentrée tard, je n’ai pas eu le temps de cuisiner, alors c’est pour ça que je mange ça aujourd’hui, mais ce n’est pas toujours comme ça! » ou pire, au resto : « Bon, je vais faire attention à ce que je vais choisir vu que t’es là! »…

Je ne juge JAMAIS quelqu’un sur ce qu’il mange. Pour être bien franc, je n’ai honnêtement aucun intérêt à connaître en détail votre alimentation au quotidien. Il y a pas mal plus de sujets intéressants à mon avis.

Or, la culpabilité alimentaire est une porte d’entrée au développement d’une relation malsaine avec les aliments et le corps et, possiblement, de troubles alimentaires.

Lorsque j’ai compris que le fait d’être nutritionniste venait avec cette image de « perfection » qui ne me correspond pas, je me suis donné comme mission de changer la face de la nutrition. Puisque, à mon avis, cette image nuit davantage qu’elle n’aide,  il faut donc changer la perception que les gens ont des nutritionnistes. Si vous suivez un peu ce que je fais professionnellement, vous réaliserez peut-être que c’est le fil conducteur qui lie mes projets.

Et donc, même si par la façon dont je m’exprime en public j’essaie toujours d’éviter de faire culpabiliser les gens, même si j’essaie de parler le moins souvent de poids, de calories ou de nutriments, et même si je dédramatise au maximum l’alimentation, je reste encore, sans le vouloir, pris avec cette image de « perfection » dont j’essaie de me débarrasser.

Fin de l’aparté.

Si je voulais vous parler de l’image qui me colle à la peau à cause de ma profession, c’est que je ne suis pas le seul à tenter d’influencer l’alimentation des gens. Mais contrairement à moi, plusieurs de ces nouvelles vedettes du bien-être qui pullulent sur les médias sociaux travaillent plutôt à bâtir cette image de « perfection » alimentaire plutôt que la détruire.

Tout comme les mannequins dans les magazines, cette image irréelle de « perfection », cet idéal qui n’existe que dans l’univers créé de toute pièce par ces vedettes du bien-être, génère inévitablement, à mon avis, une certaine culpabilité. On ne pourra jamais être aussi « parfaits » que ces personnes. En fait, elles ne le sont pas non plus. Elles ne font que photoshopper leur vie.

La perfection, c’est quoi anyway?

Depuis le début du texte, les mots « parfait » et « perfection » sont entre guillemets.

Parce que c’est quoi la perfection de toute façon? Dans notre société, la minceur, la santé et prendre soin de l’environnement sont trois valeurs assez fortes et associées à l’alimentation. Je pense que généralement, quand on parle de cette espèce de perfection, c’est quelqu’un qui mange toujours des aliments qui amènent du positif à sa santé, à son corps ou à la planète, que ce soit bio, sans gluten, paléo… Peu importe la forme que cela prend, ce sont les valeurs qui sont mises de l’avant le plus souvent.

Est-ce que promouvoir la saine alimentation est mauvais? Non, pas du tout. Est-ce qu’essayer de manger de façon à préserver notre santé ou la santé de l’environnement est mauvais? Non, pas du tout. Mais quand on essaie toujours de manger de façon trop parfaite, de toujours manger pour amener du positif à sa santé ou à l’environnement, quand on intellectualise constamment nos choix alimentaires plutôt que d’écouter nos envies ou nos plaisirs, on finit inévitablement par frapper un mur.

Ma vision de la perfection est bien différente.

Quand des journalistes manquent un peu d’imagination et me demandent si je mange parfaitement, je réponds souvent que oui, je considère que je mange parfaitement, mais que parfaitement pour moi, ce n’est pas nécessairement parfaitement pour eux. J’essaie de manger de façon à prendre soin de moi et de la planète, car ce sont des valeurs qui me tiennent à cœur, mais je mange de tout et le plaisir est une autre valeur très importante pour moi. On n’a qu’une vie à vivre et je tiens à prolonger le plaisir le plus longtemps possible.

Alors, la question qui tue : est-ce que ces vedettes du bien-être mangent parfaitement? Je ne pense pas.

Bien manger, pour moi, c’est d’être capable de balancer les valeurs qui nous tiennent à cœur et « la vraie vie », celles avec des imprévus, des responsabilités et des embûches, et surtout de comprendre que la perfection se trouve dans l’imperfection et que c’est bien correct comme ça. Et c’est cette vision que je veux promouvoir, parce que j’ai l’impression que c’est celle qui peut amener le plus de positif à tout le monde.

***

P.S. C’est drôle, mais je relis ce que je viens d’écrire, et je me rends compte que c’est presque comme si j’essayais de défendre ce que je fais dans la vie… Je pense qu’il n’y a pas une semaine qui passe sans que je ne remette en question ma profession. Je me demande constamment si le fait de parler autant d’alimentation, sous toutes ses coutures, ne peut pas nuire à certaines personnes qui ont l’impression que manger est devenu un vrai casse-tête. Difficile parfois d’éduquer et de conscientiser sans trop complexifier les choses, mais c’est un défi que j’essaie de relever, une bouchée à la fois!

P.P.S. Si vous suivez des pages Facebook, des comptes Instagram ou des chaînes Youtube qui vous font sentir coupable, il y a une solution facile : unfollow.


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