
Le Fichier canadien sur les éléments nutritifs (FCEN pour les intimes) est une base de données des valeurs nutritives de plusieurs milliers d’aliments. Les personnes qui travaillent dans le monde de l’alimentation, dont les nutritionnistes, utilisent fréquemment cet outil pour connaître la valeur nutritive des aliments. Il s’agit de LA source de référence au Canada.
Selon le FCEN, la palourde est une des meilleures sources de fer. Elle contiendrait 4 fois plus de fer que le foie de veau, soit 28 mg par portion de 100 grammes. Pour vous donner une idée, les besoins en fer de la population se situent généralement entre 8 et 18 mg par jour. Bref, selon Santé Canada, une portion de palourde permet de combler et même de dépasser les besoins quotidiens en fer.
Parce qu’ils se basent sur ces données, plusieurs sites web qui s’intéressent à l’alimentation parlent de la palourde comme étant un « super aliment » à cause de sa haute teneur en fer.
Le seul problème? C’est que c’est faux!
Popeye aurait-il mangé des palourdes?
Connaissez-vous l’histoire de Popeye, des épinards et du fer? On a longtemps cru que les épinards étaient riches en fer, simplement parce qu’une base de données allemande possédait une erreur de virgule qui s’était produite en retranscrivant les chiffres. Bref, les épinards ne sont pas riches en fer, mais comme le personnage de Popeye a été créé sur la base de cette erreur, ce dernier a permis au mythe de continuer à se propager bien longtemps après que l’erreur soit corrigée.
J’ai appris la semaine dernière que Louise Corneau, coordonnatrice de l’Unité d’investigation clinique en nutrition à l’Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels (INAF) de l’Université Laval avait découvert qu’une erreur similaire s’était glissée pour la palourde.
Santé Canada n’est pas le seul organisme à détenir des bases de données sur les nutriments. Le United States Department of Agriculture (USDA) possède également les valeurs nutritives de plusieurs milliers d’aliments. Souvent, les valeurs de Santé Canada et du USDA sont les mêmes ou sont très similaires. C’est normal, il s’agit des mêmes aliments.
Mme Corneau, en faisant des recherches, s’est aperçue que le USDA n’affichait pas du tout la même quantité de fer pour les palourdes. En fait, selon le USDA elles en contiendraient 10 fois moins, soit une quantité comparable aux autres fruits de mer.
Soucieuse de trouver une réponse à cette incohérence, elle a contacté Santé Canada. L’organisme a reconnu qu’il s’agissait bien d’une erreur de virgule (2,8 mg et non 28 mg!), mais s’est fait répondre que « la correction ne serait pas affichée sur le site internet avant la prochaine publication de la base de données. »
Les conséquences de cette erreur
Le problème, c’est que plusieurs compagnies agroalimentaires utilisent ces bases de données lorsqu’elles établissent le tableau de la valeur nutritive que l’on retrouve sur les emballages des aliments. Ceci veut donc dire que si vous achetez des palourdes ou des aliments qui en contiennent vous verrez sur l’étiquette qu’il s’agit d’une excellente source de fer même si ce n’est pas le cas.
Un autre problème concerne les recommandations émises par les organismes et les professionnels de la santé. L’anémie ferriprive survient lorsque l’apport en fer d’une personne n’est pas suffisant pour combler ses besoins. Souvent, il arrive que les sources de fer soient rares dans l’alimentation des personnes qui en souffrent. Lorsque quelqu’un souffre de ce type d’anémie ou est à risque, on recommande entre autre la palourde afin d’augmenter l’apport en fer, surtout chez ceux qui ne mangent pas beaucoup de viande rouge. Ceci veut donc dire qu’une panoplie de patients reçoivent des recommandations erronées depuis de nombreuses années. Et attention, je ne blâme pas les professionnels de la santé puisqu’ils se fient sur les données de Santé Canada!
Un mot sur le terme « super-aliment »
Je n’aime pas parler des aliments comme s’ils étaient seulement des sources de nutriments et je DÉTESTE le terme « super aliment ». Lorsqu’on met un aliment au centre de l’attention (hello Mr Kale), on oublie qu’il existe 10000 autres aliments qui sont bons au goût et qui sont aussi bénéfiques à la santé! Dans ce cas, il s’agit d’un exemple d’aliment qu’on croyait « miraculeux » et qui, du jour au lendemain, perd ses lettres de noblesse à cause d’une simple erreur de virgule.
Ne basez pas votre apport en X nutriment sur un seul aliment. Ne mangez pas un aliment parce qu’il contient X nutriment (sauf si vous souffrez de certaines maladies). Il FAUT diversifier son alimentation. C’est la seule façon de s’assurer que l’on consomme tous les nutriments dont on a besoin. De cette façon, même si une autre erreur comme celle-ci fait surface (il y en aura d’autres, c’est certain!), elle n’aura pas un gros impact sur votre vie si votre alimentation est variée!
J’aimerais remercier Judith Blucheau, nutritionniste et nouvelle collègue chez Extenso, de m’avoir soufflé cette nouvelle à l’oreille!
Quel scoop! 😉
L’erreur en tant que telle n’est pas choquante, ça peut arriver. Mais ne pas la corriger, ça c’est choquant!
J’ai moi-même souvent parler de la palourde comme étant une source très intéressante de fer. Maintenant, je m’abstiendrai de répandre cette fausseté.
Merci particulièrement pour le paragraphe sur les «super-aliments». C’est moi aussi un terme qui m’énerve mais je me dis que ce genre de mode a au moins le mérite de nous faire découvrir de nouveaux aliments et de les rendre plus disponibles dans les épiceries.
Merci beaucoup pour cette information! C’est dommage qu’ils ne corrigent pas cette erreur tout de suite, par contre. Et il faudra aussi attendre que les étiquettes des valeurs nutritives d’aliments contenant les palourdes soient changées!
Ahah c’est assez cocasse ! Je suis étudiante en nutrition présentement et même notre professeure trouvait le chiffre assez… énorme. On retrouve cette erreur dans le livre de référence de nutrition fondamentale que l’on utilise en classe, soit la version canadienne la plus récente… Preuve qu’il faut toujours garder un esprit critique face à ce que l’on dit sur la nutrition, car même les plus grands professionnels peuvent se tromper.
Je suis dieteticienne en France et nous avons un « problème » similaire » avec les sardines à l’huile il me semble!! Notre table de référence est le Ciqual (http://www.afssa.fr/TableCIQUAL/index.htm) et on peut y lire que les sardines en conserve AVEC arêtes contiennent plus de 600mg de calcium pour 100g!! Cela me paraissait énorme donc j’ai cherché sur les tables Canadienne, Américaine, Suisse…et tout le monde s’accorde sur 380mg avec les arêtes… je ne suis pas certaine que manger les arêtes de sardine contribuent aux apports en calcium (sans arête, la teneur en calcium des sardines redescend à 100mg/100g comme ses homologues maquereaux etc…), et même si c’est le cas, il faut plus tabler sur 380mg/100g que 600mg!! Mais comme vous le dites, le problème est que ce chiffre est repris par beaucoup, surtout les « anti-lait » qui y voient une source providentielle de calcium…
Bref, tout le monde peut se tromper…donc tout le monde devrait vérifier!! (d’autant qu’aujourd’hui c’est d’une simplicité déconcertante pour comparer toutes les tables en lignes!)