
*Maxi a décidé de retirer la publicité avant même que je publie mon texte. Je tenais tout de même à vous partager mon opinion sur le sujet, parce que je pense que l’analyse peut être pertinente pour comprendre le phénomène.*
Comme moi, je suis persuadé que vous voyez souvent des publicités de Maxi dans votre fil d’actualité. Depuis des années maintenant, leur meme game est bien réussie et ils arrivent à générer beaucoup d’interactions grâce à leurs pubs humoristiques. Une nouvelle publicité a été publiée ce matin où Martin Matte, le porte-parole de la chaîne, est déguisé en gros et les réactions sont un peu moins positives… Je voulais donc creuser un peu le sujet avec vous.
Un mot sur la grossophobie
Dans notre société, les personnes grosses souffrent de différents préjugés négatifs à leur égard. Elles sont perçues comme étant paresseuses, gloutonnes et sans volonté ni contrôle. À la télévision et au cinéma, les personnages gros ont moins d’interactions romantiques, sont jugés moins beaux, ont moins d’amis et mangent plus souvent que les autres personnages.
On a aussi l’impression que le poids est uniquement une question de choix et que les personnes grosses ont simplement à manger moins et à bouger plus pour régler leur « problème ». Bref, elles méritent leur situation et on peut donc en rire comme on veut.
Les personnes grosses souffrent également de discrimination, qu’on appelle grossophobie, dans toutes les sphères de leur vie, notamment le lieu de travail, l’école et le réseau de la santé. Cette discrimination a des conséquences néfastes sur leur santé physique et mentale. Elle est notamment associée à la dépression, à une faible estime personnelle, ainsi qu’à une mauvaise relation avec notre corps et les aliments.
Il s’agit donc d’un groupe de personnes dans notre société qui sont stigmatisées à cause de leur apparence corporelle et qui en subissent les conséquences quotidiennement.
Petite analyse de la publicité
Maintenant que vous êtes un peu plus outillés pour comprendre les problématiques liées à la grossophobie, regardons le contenu de la publicité.
En voici le texte intégral :
« Depuis le confinement, je me suis donné comme défi de goûter tous les produits d’ici en vente chez Maxi. Y’en a beaucoup. Des milliers. Je suis rendu à 2709! Ha! Ha! Je sais pas si vous avez déjà trempé une tomate Savoura dans la Coaticook… Ah! Délicieux! Mais je vous conseille surtout de mélanger salade d’épinards, cretons, Passion flakie. Mais bon, pas obligé de goûter tous les produits d’ici en vente chez Maxi, là! Commencez mettons par 800. »
Donc, c’est une publicité pour promouvoir les aliments d’ici… Déjà, à la base, j’avoue que je ne comprends pas vraiment le rapport d’associer les produits d’ici à l’obésité. Il y a tellement un préjugé négatif à l’égard des personnes grosses que je suis même surpris que des compagnies comme Coaticook, Vachon ou St-Hubert aient acceptées que leurs produits soient associés à l’obésité du personnage.
Mais bon, ça c’est leur choix éditorial. Moi ce qui m’intéresse, ce sont plutôt les préjugés que cette publicité transmet.
Le message principal, c’est que depuis le début du confinement Martin a voulu goûter à tous les produits d’ici. Donc, il n’a pas beaucoup bougé et il a mangé beaucoup. Résultat : il est devenu obèse. Donc, on revient avec le même préjugé que le poids est uniquement une question de calories qui entrent versus les calories qui sortent. Évidemment que ça un impact, mais ce n’est pas le seul facteur. Je compte écrire plus en détail sur le sujet bientôt, mais il faut savoir que notre âge, notre génétique, notre historique de poids et le fait d’avoir fait des régimes ne sont que quelques-uns des facteurs qui influencent le poids.
On voit aussi le personnage en train de boire de la sauce brune de St-Hubert directement de la conserve. C’est « drôle » parce qu’on trouve ça dégoûtant comme comportement. Les gens « normaux » ne font pas ça. Ils ont même ajouté un gros bruit de déglutition pour rajouter à l’effet comique. Ici, on joue sur le stéréotype selon lequel les gros sont des gloutons qui manquent de contrôle.
Plus loin, il donne deux idées d’associations de produits d’ici. Il suggère de manger des tomates avec de la crème glacée ou de mélanger des épinards, des cretons et des gâteaux. C’est la combinaison hors norme des aliments qui crée l’humour, mais évidemment, la blague aurait été moins drôle s’ils avaient montré seulement des fruits et des légumes. Après tout, est-ce qu’on peut vraiment grossir en mangeant seulement des épinards? Ainsi, cela renforce la fausse croyance selon laquelle les personnes grosses mangent « mal » ou uniquement des aliments ultra-transformés.
Comment se sortir des stéréotypes liés au poids?
Au début du texte, je vous disais que les réactions à l’égard de la publicité étaient négatives. Il semble que les réactions aient été suffisantes pour que la compagnie décide de retirer la publicité. Mais avant d’être retirée, elle avait été visionnée près de 200 000 fois.
Je trouve cela dommage car il s’agissait d’un partenariat avec les Banques alimentaires du Québec et je leur souhaite tout de même d’atteindre leur objectif et de permettre à de nombreuses familles de se nourrir dans la dignité.
Je suis persuadé qu’aucune des personnes impliquées dans la création de la pub n’a voulu mal faire. Mon but n’est pas de leur taper sur la tête, mais vraiment d’exposer les problèmes qui en émanent pour alimenter la réflexion.
On pourrait d’ailleurs tous se faire notre petit exercice d’introspection. Demandez-vous sérieusement si la publicité vous aurait fait rire autant si le personnage avait été mince. Si la réponse est non, c’est probablement que vous entretenez certains préjugés à l’égard du poids. Ce n’est pas la fin du monde. La première étape c’est de s’en rendre compte. Quand on est dans une société qui renforce les stéréotypes, c’est difficile de faire autrement.
Heureusement, il y a plein de moyens d’en apprendre sur le sujet. Je vous laisse donc quelques ressources pour ceux qui veulent en savoir davantage.
Ressources en ligne sur la grossophobie
Blogue et podcast : Dix Octobre
Site grossophobie.ca
Podcast On s’appelle et on déjeune – Épisode sur la grossophobie
Organisme ÉquiLibre
Bergeron, M. (2019) La vie en gros : Regard sur la société et le poids. Éditions Somme Toute.
Harisson, C. (2019) Anti-Diet : Reclaim Your Time, Money, Well-Being, and Happiness Through Intuitive Eating. Little, Brown Spark.
Rubino F., Puhl R. M. et Dixon J.B. Joint international consensus statement for ending stigma of obesity. Nature Medecine 2020;26:485-497.
Merci pour cette bonne explication, en effet on juge facilement sur le sujet. On ne sait plus quoi sortir comme publicité, mon opinon…..je n’ai presque jamais apprécié les publicités de cette bannière.
En réponse au texte de monsieur Lavallée sur la publicité de Maxi.
« La grossophobie est un néologisme désignant l’ensemble des attitudes et des comportements hostiles qui stigmatisent et discriminent les personnes grosses, en surpoids ou obèses. Elle a pour origine des préjugés et des stéréotypes négatifs selon lesquels le fait d’être gros est une question de volonté personnelle et que les personnes grosses seraient ainsi les seules responsables de leur surpoids, en négligeant les autres facteurs à l’origine du surpoids. »
Bien que je sois d’accord avec les raisons que plusieurs personnes donnent pour dénoncer la grossophobie, je ne crois pas que ça s’applique à la publicité de Maxi.
Les gens supposent qu’on se moque des gros, font des liens avec des stéréotypes, mais ce n’est pas le message qui est véhiculé dans l’annonce.
Ce que je vois, c’est une manière humoristique de parler des nombreux produits d’ici.
Si je prends l’annonce telle quelle, sans faire de supposition, je me dis que n’importe qui qui mangerait autant prendrait du poids. C’est un fait point. Il n’est aucunement sous-entendu que manger est la seule cause de surpoids. Il n’est pas sous-entendu non plus que c’est mal.
Pas besoin d’être gros non plus pour boire la sauce. C’est juste drôle parce que ce n’est pas l’ensemble des gens qui le fait et parce que ce n’est pas la « norme » dans la société. Mon ex buvait le restant de sa sauce à la maison, mais il ne le faisait pas au restaurant.
Même chose pour le mélange des aliments. Ça pourrait autant faire référence au stéréotype des femmes enceintes. Ou bien tout simplement à n’importe qui qui a des goûts différents des nôtres.
Il faut arrêter de voir le mal partout. Bien sûr, les causes de l’obésité sont nombreuses. Trop manger en est une pour certain selon leur métabolisme. Je pense que les gens le moindrement informés sont capables de faire la part des choses entre l’humour et la réalité.
Certaines personnes dites « grosses » sont très bien dans leur peau et d’autres non. Les gens qui se sont sentis visés par cette publicité se jugent elles-mêmes. Elles doivent changer le regard qu’elles portent sur elle-même. L’important est que chacun prenne les moyens pour se sentir bien, selon ses besoins, en fonction des causes de leur surpoids. C’est une démarche personnelle qui peut être difficile pour n’importe qui qui veut faire un travail sur soi, peu importe le source du mal-être (surpoids ou autre).
Malheureusement, en ce qui concerne cette publicité, je trouve que ce sont les fervents défenseurs de la grossophobie qui ont rendu cette annonce « grossophobe ». À force de chercher des bébittes et des coupables, on fini par en trouver et à oublier le message initial: encourager la consommation des produits d’ici et faire un don aux banques alimentaires. C’est de cela qu’on devrait tous être en train de parler…
Merci pour votre commentaire et votre réflexion. 🙂
Et surtout, merci d’être restée polie. C’est apprécié.
Bonne journée,