Plus besoin d’aller chez A&W! Depuis une semaine, les boulettes de « viande végé » Beyond Burger sont disponibles dans la plupart des grandes chaînes de supermarchés au Québec. Il s’agit d’une nouvelle manifestation de la vague végé qui déferle sur la province. Lorsque l’industrie agroalimentaire flaire les profits potentiels, les innovations ne prennent généralement pas trop de temps à combler l’espace des tablettes.

Quand IGA a dévoilé sur Facebook que la boulette se retrouverait dans ses magasins, les commentaires se sont rapidement transformés en débat public : « Pour ou contre la viande végé? » Parce que j’aime parfois saigner des yeux, j’ai décidé de lire et d’analyser l’ensemble des commentaires laissés sur les publications de IGA pour en tirer quelques constats sur l’accueil réservé au Beyond Burger.

Ça coûte trop cher

Définitivement. À 8$ pour deux boulettes, même la viande de bœuf, qui est pourtant un des aliments les plus coûteux dans le panier d’épicerie, peut être achetée à un plus petit prix. Le montant est probablement justifié, mais ce n’est absolument pas une option réaliste comme substitut à la viande pour le portefeuille d’une grande majorité de Québécois. C’est dommage car cela donne encore l’impression que manger végé est plus dispendieux que de manger de la viande, ce qui est totalement faux.

Cela étant dit, à ce prix, ça vaut quand même la peine de l’essayer au moins une fois dans sa vie. À mon avis, c’est peu payer pour avoir accès au résultat d’années de recherches et d’innovations qui ont permis d’arriver à un résultat ressemblant autant à de la viande hachée. (Je dirais que l’imitation est à 90% réussie.)

C’est meilleur pour la santé

À ce jour, la plupart des études montrent que ceux qui mangent végé sont généralement en meilleure santé que les omnivores. La boulette Beyond Meat profite donc de l’aura « santé » du végétarisme. Or, contrairement à la viande ou aux haricots, qui sont des aliments frais, cette boulette est un aliment ultra-transformé.

Ingrédient d’une boulette de viande : viande.

Ingrédients d’une boulette Beyond Burger : Water, Pea Protein Isolate, Expeller-Pressed Canola Oil, Refined Coconut Oil, Contains 2% or less of the following: Cellulose from Bamboo, Methylcellulose, Potato Starch, Natural Flavor, Maltodextrin, Yeast Extract, Salt, Sunflower Oil, Vegetable Glycerin, Dried Yeast, Gum Arabic, Citrus Extract, Ascorbic Acid, Beet Juice Extract, Acetic Acid, Succinic Acid, Modified Food Starch, Annatto (Désolé, je les ai pris sur le site de Beyond Meat et j’étais trop paresseux pour les traduire!)

Est-ce que les burgers Beyond Meat sont meilleurs pour votre santé que de la viande? Probablement pas. Évidemment, il n’existe pas d’étude comparant la santé de quelqu’un qui remplacerait tous ses repas de viande, pendant des années, avec du Beyond Meat vs. quelqu’un qui mangerait seulement de la viande. Par contre, on a PLEIN d’études qui montrent que les aliments ultra-transformés ont un effet néfaste sur la santé et qu’ils sont associés à plus de risques d’obésité, de maladies cardiovasculaires et de cancers.

C’est vraiment le fun pour les végétariens et les végétaliens d’avoir accès à un substitut de viande qui leur procure du plaisir et qui peut être un bon dépanneur, de temps en temps. Par contre, comme nutritionniste, il m’apparaît de mauvais augure pour la santé publique qu’autant de produits végétaliens ultra-transformés inondent le marché : biscuits, gâteaux, croustilles, craquelins, boissons végétales, faux fromages, faux yogourts, fausses viandes… Je ne suis pas là pour faire la morale dans la vie. Chacun mange ce qu’il veut. Mais je déplore que l’industrie réussisse à faire passer ces produits comme étant meilleurs pour la santé parce qu’ils sont végé. Et mon petit doigt me dit que si la tendance se maintient, on risque de voir disparaître les bénéfices d’une alimentation végétale sur la santé au fur et à mesure que l’offre d’aliments ultra-transformés va continuer à se diversifier.

C’est polluant quand même

Mettons une chose au clair : manger a toujours un impact environnemental. Nous sommes des animaux. Nous avons donc toujours besoin de consommer de nouvelles ressources pour survivre. L’aliment à impact zéro n’existe (toujours) pas.

Oui, les boulettes Beyond Meat sont emballées dans du plastique. Mais la viande aussi est emballée… C’est donc le contenu qui doit nous intéresser. Et ici, les boulettes végé ressortent grandes gagnantes. Comparativement à du bœuf, elles génèrent 90% moins de gaz à effet de serre et demandent 46% moins d’énergie, 99% moins d’eau et 93% moins de sol à produire. Il est donc clair qu’elles ont un impact moins grand sur notre environnement. En même temps, c’est facile de présenter un aussi beau « bulletin écolo » quand on se compare à l’aliment le plus polluant de notre assiette. Une boulette cuisinée à la maison avec des haricots noirs serait probablement encore moins polluante. (Et meilleure pour la santé!)

De la viande, ça vient des animaux

Oui, la viande provient du tissu musculaire des animaux. Ainsi, les boulettes Beyond Meat ne sont pas réellement constituées de viande puisqu’elles ne contiennent pas de chair animale. Mais au-delà de la définition officielle, pourquoi les gens se sentent-ils obligés de rectifier ce fait? Qu’est-ce qui vient toucher une corde sensible, dans l’appellation « viande végé », au point d’avoir besoin de nier son existence? Est-ce l’amour de la langue française? La peur que la « vraie » viande disparaisse un jour, remplacée par des simulacres végétaux? Le sentiment d’être forcé à changer ses habitudes? Le fait de sentir qu’une tendance sociale prend de l’ampleur et qu’on ne fait pas partie de la gang?

Peut-être est-ce un mélange de tout cela, mais j’ai l’impression que c’est encore et toujours la même petite émotion qui se déclenche, chez certains omnivores, quand ils sont confrontés au véganisme. La plupart d’entre nous avons été élevés dans un monde où on considère qu’il est normal, naturel et nécessaire de tuer des animaux pour manger de la viande. (#carnisme) Les véganes rejettent cette mentalité car ils trouvent immoral de tuer des animaux. Ainsi, leur seule existence, ainsi que celle des aliments végé qui imitent la viande, remet en doute des croyances ancrées profondément. Après tout, si des gens disent que c’est mal de tuer et de manger des animaux et que moi je le fais, est-ce que ça veut dire que je suis une mauvaise personne? Dans ce contexte, ce n’est pas étonnant que des omnivores réagissent avec émotion. Et bien sûr, les véganes qui jettent de l’huile sur le feu en verbalisant ces accusations n’aident en rien l’acceptabilité du mouvement. Le négatif amène du négatif.

J’allais écrire une belle conclusion à ce billet sur le pouvoir des aliments à provoquer des réflexions et des changements sociaux, mais je crois que je n’aurais jamais réussi à conclure d’aussi belle façon qu’un des commentaires les plus likés sur la page Facebook de IGA. C’est donc sur ces sages paroles que je vous laisse.

Beyond Meat. The Beyond Burger. https://www.beyondmeat.com/products/the-beyond-burger/ (Page consultée le 5 mai 2019)

Heller M.C. et Keoleian G.A. (2018) Beyond Meat’s Beyond Burger Life Cycle Assessment: A detailed comparison between a plant-based and an animal-based protein source

Melina V., Craig W. et Levin S. Position of the Academy of Nutrition and Dietetics: Vegetarian Diets. J Acad Nutr Diet 2016;116(12)

Nardocci M., Leclerc B.S., Louzada M.L. et coll. Consumption of ultra-processed foods and obesity in Canada. Can J. Public Health 2019;110(1):4-14


Partagez sur les réseaux sociaux