
Santé Canada propose de modifier l’étiquetage des aliments. J’imagine que vous comprenez qu’il s’agit d’une très grosse nouvelle pour un nutritionniste! Je vous présente un résumé des modifications les plus importantes selon moi et je donne mon avis sur chacune d’elles.
1) Harmoniser les portions indiquées par catégorie de produits
Même s’il existait déjà une certaine réglementation quant aux portions indiquées sur les produits, ces dernières méritaient une amélioration. Les modifications proposées semblent utiliser le « gros bon sens ». On aime.
Par exemple, la valeur nutritive des pains tranchés peut actuellement être présentée pour 1, 1 ½, 2 tranches… Difficile de comparer les produits entre eux! Avec la modification, tous les pains présenteraient l’information pour 2 tranches, ce qui est bien plus simple! C’est vrai que le poids d’une tranche change d’une marque à l’autre, mais qui a déjà dit : « Moi, je mange 94 grammes de pain le matin! »
2) Mettre les calories plus en évidence
Oui, l’obésité est un problème de santé publique. Oui, quand on mange plus de calories que nécessaire on risque de prendre du poids. Toutefois, à mon avis, mettre les calories encore plus en évidence est inutile et peut même nuire aux consommateurs. On ne devrait pas choisir un aliment en se basant sur les calories qu’il contient! Que la vie serait monotone si c’était le cas! Il est plus utile de savoir d’où proviennent les calories et de quels types de nutriments elles sont accompagnées, ce que le reste du tableau fait très bien. Je ne vois donc pas vraiment l’intérêt de grossir davantage cette information par rapport aux autres, surtout que j’entends déjà trop souvent à mon goût les gens comparer les produits uniquement en se basant sur les calories…
3) Différencier les gras trans des gras saturés
Voilà une sage décision de la part de Santé Canada. Depuis quelques temps, on remet beaucoup en doute l’impact des gras saturés sur la santé. D’un autre côté, la communauté scientifique fait majoritairement consensus sur la nocivité des gras trans.
Bref, conserver ces gras dans la même catégorie n’est pas cohérent avec l’avancement de la science et Santé Canada le reconnaît.
4) Pointer les sucres ajoutés du doigt
Jusqu’à présent, tous les sucres étaient présentés ensemble dans le tableau de la valeur nutritive. Dorénavant, on pourra voir quelle quantité de sucre provient du sucre naturel et quelle quantité de sucre a été ajoutée. Ce sera particulièrement intéressant pour certains produits qui contiennent des produits laitiers ou des fruits qui sont naturellement riches en sucre.
Même si le sucre, peu importe sa forme, a le même impact sur la santé, voir la quantité de sucre qui a été ajouté à un produit est un bon indice de la valeur nutritionnelle du produit. Habituellement, plus on ajoute du sucre, moins le produit est intéressant.
L’autre point important à considérer est le suivant : Santé Canada, jusqu’à présent, considère que les jus de fruits 100% purs, que les concentrés de jus de fruits et que les purées de fruits sont des sources de sucre naturel. Or, quand on ajoute ces ingrédients à des produits, à mon avis, il s’agit plutôt de sucres ajoutés. Si la réglementation ne change pas, on risque de voir apparaître beaucoup de produits « sucrés naturellement » avec des jus de fruits, ce qui ne serait pas bénéfique pour les consommateurs.
5) Instaurer une valeur quotidienne pour le sucre
Je suis peut-être optimiste (ou fou), mais j’ai l’impression que Santé Canada vient de faire une annonce majeure dans le dossier du sucre, même si elle est implicite. Je m’explique.
Santé Canada propose d’instaurer une valeur quotidienne de 100 grammes de sucres totaux. Jusqu’à présent, aucune valeur quotidienne n’avait été définie pour les sucres totaux. Officiellement, Santé Canada recommande de ne pas consommer plus de 25% de notre apport énergétique sous forme de sucres ajoutés. Ceci correspond à 125 grammes de sucres ajoutés pour une « personne moyenne » qui consomme 2000 calories.
Personnellement, j’ai toujours trouvé cette quantité totalement aberrante –et je ne suis pas le seul- surtout que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande de ne pas dépasser 10% de l’apport énergétique sous forme de sucres ajoutés et qu’elle compte déjà réviser cette valeur à la baisse! Cette recommandation correspond à 50 grammes de sucre ajoutés pour une « personne moyenne ».
Si Santé Canada décide d’instaurer une valeur quotidienne de 100 grammes de sucres totaux, ce qui correspond à 20% de l’apport énergétique pour une « personne moyenne », c’est donc probablement parce qu’ils vont décider de réviser leur recommandation à la baisse et de se rapprocher de l’OMS, sinon, ça ne ferait pas de sens! Ce serait un ÉNORME pas dans la bonne direction pour Santé Canada.
6) Oublier la vitamine A et la vitamine C et penser à la vitamine D et le potassium
Vous souvenez-vous de la dernière fois où vous avez appris que quelqu’un que vous connaissiez souffrait du scorbut? Non? Moi non plus, et c’est normal! Au Canada manquer de vitamine C (ou de vitamine A) est très rare. Par contre, la vitamine D qui a un rôle sur la santé osseuse et le potassium qui participe à la prévention des maladies cardiovasculaires sont des nutriments beaucoup plus problématiques. Pour cette raison, Santé Canada propose d’obliger les fabricants à inscrire la teneur en ces deux nutriments. Je crois que c’est une bonne idée qui risque d’aider les consommateurs à remplir leurs besoins!
Ceci étant dit, je me questionne sur la pertinence de rajouter la quantité en milligramme ou en microgramme pour ces vitamines et minéraux. Il me semble que le pourcentage de la valeur quotidienne est suffisant.
7) Ajouter une note pour expliquer le pourcentage de la valeur quotidienne
Avoir un nutritionniste dans votre poche pour vous aider à comprendre le tableau de la valeur nutritive, ce serait génial, non? Bon, à la place, Santé Canada a décidé de prendre la 2e meilleure solution et d’inscrire une petite phrase toute simple au bas du tableau pour aider à faire de bons choix.
Même s’il existe des critères plus précis pour sélectionner « le meilleur produit » entre différents aliments d’une même catégorie (comme je fais souvent à l’émission l’Épicerie), un conseil simple comme celui-ci permet tout de même de faire de bons choix, surtout si les nouvelles portions de référence collent vraiment à la réalité, ce qui restera à prouver!
8) Repérer les sucres ajoutés plus facilement dans la liste d’ingrédients
Je crois que c’est une de mes modifications préférées! On en parle de plus en plus, les sucres ajoutés n’apportent pas vraiment de bénéfices sur la santé, au contraire! Jusqu’à présent, on pouvait les retrouver éparpillés au travers de la liste des ingrédients. Et comme les ingrédients sont présentés en ordre décroissant de poids dans les aliments, les fabricants avaient tout intérêt à ajouter différentes sources de sucre pour les dissimuler au travers de la liste.
Santé Canada propose donc de rassembler tous les sucres ensemble dans la liste des ingrédients. On pourra donc plus facilement voir la proportion de sucre qui constitue le produit.
Et vous, que pensez-vous de cette nouvelle? Une consultation publique se tiendra jusqu’au 11 septembre 2014. Profitez-en pour donner vos commentaires!
Encore des modifications complètement inutiles pour le consommateur et qui coûteront pas mal d’argent aux fabricants. Si je pouvais voter, je voterais contre toutes ces propositions de changement. Les personnes qui sont habituées et qui ont de l’intérêt à lire les étiquettes sont amplement capable sans ces modifications. Personnellement, les points 1, 7 et 8…c’est changer 4 trente sous pour 1$!!!
Bonjour Mélanie,
Merci pour votre commentaire. Comme vous devez vous en douter, je ne suis vraiment pas d’accord avec vous. Je pense que globalement, les changements apportés sont super cohérents avec l’avancement de la science depuis la mise en place du tableau de la valeur nutritive et de la liste des ingrédients. Particulièrement pour le point 8, je crois qu’il est très important que les consommateurs puissent facilement et rapidement voir quelle proportion du produit est constituée de sucres. Ces changements seront bénéfiques à la santé des consommateurs à mon avis.
Mais quelle bonne idée!!!! Je suis coach en perte de poids et je travaille au quotidien à enseigner au gens à faire les bons choix alimentaires. Et à quel point mes clients ont de la difficulté à déchiffrer ces tableaux et de pouvoir comparer deux portions équivalentes. Et que dire des différents sucres à travers les longues listes d’ingrédients… Pour le commun des mortels, c’est toute qu’un défi. 100% en accord avec chacun de tes commentaires Bernard. Et j’espère sincèrement que cela verra le jour.
Bonjour,
J’approuve en tous points ton analyse, et te remercie de démystifier les changements à l’horizon.
En tant que pharmacien, j’ai régulièrement à « sensibiliser » mes patients quant à leurs habitudes alimentaires. Malheureusement, sensibilisation n’égale pas éducation, et il est très facile de simplement dire à notre patient de « lire les étiquettes » – en plus de consulter un nutritionniste selon le cas!
Ces changements ne sont pas une panacée, mais notre recommandation de « lire les étiquettes » aura certainement plus d’impact si celles-ci sont développées avec une optique de réelle information et éducation.
Merci!
Les compagnies ont amplement les moyens d’apporter ces modifications-là, et les consommateurs y ont tout à gagner. Je crois d’ailleurs que le dernier point pourra vraiment avoir un impact sur notre rapport aux aliments préparés. Bien sûr, ces changements doivent être accompagnés d’une meilleure éducation de la population sur ce qu’est une alimentation saine, sans quoi ils risquent d’avoir un impact modéré.
Merci pour ce billet !
Bonjour,
Mon inquiétude est de perdre de vue l’ingrédient en tant que tel. Je préfère choisir un biscuit qui contient du miel ou de la cassonade au lieu du glucose-fructose ou du sorbitol.
Merci de nous offrir un blogue si intéressant.
Ce sont de bons changements. mais j’aurais aimé un règlement qui baliserait mieux les notices »peut contenir des traces de blé, noix, etc… » Parfois j’ai l’impression que certains fabricants (restaurateurs, etc.) se cachent derrières ces avertissements, ça leur évite bien des tracas (peut-être une question de sous ou de peur d’être poursuivi en justice) d’ecrire clairement quels sont les allergènes dans leurs produits. Ayant la maladie de cœliaque, je suis devenue une experte du décryptage des étiquettes afin de repérer les sources de gluten et malheureusement, je trouve qu’il y a encore trop d’étiquettes qui manquent de clarté sur ce point.